Le départ de Philippot aggrave la crise au Front national

Reuters

Paris - Florian Philippot a annoncé jeudi son départ du Front national, un parti en crise depuis la présidentielle et désormais rattrapé, selon celui qui fut le plus proche conseiller de Marine Le Pen, par les “vieux démons” de l‘extrême droite.

Le divorce prononcé sur France 2 conclut un psychodrame qui s‘est noué ces derniers mois autour de la ligne politique, de la personnalité et des initiatives personnelles de l‘eurodéputé, en butte à une opposition interne toujours plus déterminée à marginaliser cet énarque souverainiste.

Cet épisode met aussi fin à huit années de symbiose entre Florian Philippot et Marine Le Pen, laquelle disait avoir eu un “coup de foudre intellectuel” lors de leur première rencontre et l‘avait par la suite propulsé à la vice-présidence.

“Nous sommes dans un processus de refondation. Et j‘ai vu semaine après semaine (...) que cette refondation se passait mal, qu‘en réalité elle cachait un retour en arrière terrible”, a jugé le désormais ex-vice-président frontiste.

“Le Front national est rattrapé par ses vieux démons”, a-t-il ajouté.

Après plusieurs mois de pourrissement, l‘histoire s‘est brutalement accélérée avec les injonctions réitérées de Marine Le Pen à Florian Philippot, qu‘elle sommait de quitter la présidence de son association personnelle, Les Patriotes, à l‘origine selon elle d‘un “conflit d‘intérêt”.

Lors d‘un bureau politique organisé lundi au siège du FN, Marine Le Pen l‘a exhorté, les yeux dans les yeux, à trancher entre ses fonctions de vice-président du FN et de président des Patriotes, faute de quoi elle prendrait une décision à sa place.

Le numéro deux du parti à toujours refusé d‘obtempérer en invoquant son souhait de participer, par le biais de ce “laboratoire d‘idées” fondé en mai, à la “transformation” du parti promise par la députée du Pas-de-Calais au soir de sa défaite à la présidentielle.

“BOUTEILLE POLITIQUE”

Mercredi soir, Marine Le Pen a précipité le dénouement en prononçant une première sanction - le retrait des attributions de Florian Philippot, qui était jusque-là chargé d’élaborer la stratégie et la communication du parti.

“Je pense qu‘on aurait pu s’éviter ces semaines de montée en tension”, a réagi Marine Le Pen, invitée de l’émission Questions d‘info sur LCP et franceinfo, peu après l‘annonce du départ de Florian Philippot. “Stratégie de victimisation.”

“J‘ai quand même assez de bouteille politique pour avoir tout de suite compris qu‘il s‘agissait là non pas d‘un think-tank mais d‘un parti politique”, a-t-elle encore dit.

Selon elle, il ne faut pas voir dans cette péripétie le début de la fin car, a-t-elle insisté, “à chaque fois qu‘on a cherché à enterrer le Front national, il est ressorti plus structuré, plus puissant, plus fort qu‘il ne l’était”.

L‘histoire de la formation d‘extrême droite est faite de dissidences et de départs fracassants, qui l‘ont parfois durablement affaibli sans jamais l‘achever.

Bruno Mégret, qui fut comme Florian Philippot la tête pensante du FN, a organisé une scission en 1998-1999 en emmenant avec lui une grande partie des hauts cadres mais il n‘est pas parvenu à reconstruire ailleurs un parti viable.

Cette fois, Florian Philippot entraîne dans son sillage une poignée de frontistes, comme l‘eurodéputée Sophie Montel qui a annoncé jeudi matin sa démission après 30 ans de militantisme.

“Le FN va enfin connaître l‘apaisement face à un extrémiste sectaire, arrogant et vaniteux qui tentait de museler notre liberté de débattre”, a fustigé Louis Aliot, député et compagnon de Marine Le Pen, sur Twitter.

“IL AVAIT TOUTE SA PLACE”

“Je regrette sa décision”, a pour sa part déclaré le secrétaire général frontiste, Nicolas Bay, sur franceinfo. “Il avait toute sa place au FN. Il fallait qu‘il accepte le débat. Il fallait poser toutes les questions.”

Car, au-delà des questions de personnes, c‘est un débat de fond qui se joue au sein de l‘extrême droite, traumatisée par la performance de Marine Le Pen à la présidentielle.

Diplômé de l‘ENA et de HEC, gaulliste autoproclamé et ex-chevènementiste revendiqué, Florian Philippot incarnait la “dédiabolisation” voulue par Marine Le Pen, mais aussi une opposition intransigeante à l‘Union européenne et l‘ambition de transcender le clivage droite-gauche.

Autant d‘orientations que ne partagent pas certaines figures frontistes, comme Gilbert Collard ou Nicolas Bay, favorables à un discours davantage centré sur les questions identitaires et à une “union des droites”.

“J‘ai souhaité, demandé (le départ de Florian Philippot-NDLR), dit et redit depuis deux ans. Il incarne une ligne politique néfaste pour le courant de pensée que nous représentons, dont je me sens proche”, a déclaré Robert Ménard, maire de Béziers et électron libre de la galaxie FN, à la chaîne de télévision CNEWS.

“Même à l‘intérieur du FN, il ne représente pas grand-chose. Et quant à l‘extérieur, il ne représente rien, ce sont des gens qui n‘ont jamais été élus sur leur propre nom où que ce soit”, a-t-il poursuivi.

Voilà désormais le parti lepéniste contraint de mener une refondation plus profonde encore qu‘annoncé, d‘autant que la démission de Florian Philippot s‘ajoute à celle de Marion Maréchal-Le Pen.

L‘ancienne députée du Vaucluse, nettement plus populaire auprès de la base militante, a choisi en mai d‘ouvrir une parenthèse dans sa vie politique, laissant orpheline la frange identitaire du parti.


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