Le long de l'ancien Mur de Berlin, on s'adonne au karaoke en plein air
AFP
Bérlin - Ce fut un symbole de la Guerre froide. Aujourd'hui, des milliers de personnes viennent y reprendre en coeur les tubes de Michael Jackson et Britney Spears. Le dimanche, le long de l'ancien Mur de Berlin, une foule bigarrée s'adonne au karaoke en plein air.

Sur la scène, deux frêles adolescentes, agrippées à leur micro, parviennent difficilement à faire entendre le son de leur voix. Elles suivent du regard les paroles de ce classique de la disco qui défilent à l'écran d'un ordinateur portable posé à leurs pieds. "It's fun to stay at the YMCA", hurle à nouveau la foule de lunettes de soleil, de torses huilés, de shorts à carreaux et de mini-robes à fleurs.
Des milliers de personnes sont venues participer ou assister au karaoke de Joe Hatchiban qui se joue tous les dimanches au "Mauerpark" ("Parc du Mur"), là où passait le Mur de Berlin. En un an, le spectacle de ce trentenaire irlandais est devenu l'une des grandes attractions de la jeunesse bohême berlinoise.
Durant 28 ans, du 13 août 1961 au 9 novembre 1989, cet espace de quelque 7 hectares a été un no-man's-land, séparant le quartier ouest-berlinois de Wedding et celui est-berlinois de Prenzlauer Berg. Des garde-frontières est-allemands avaient ordre de tirer sur quiconque tenterait de franchir cette zone.
Barbelés, miradors, les traces de la division de Berlin ont disparu à cet endroit envahi désormais par les poussettes, les tongs et les barbecues. Seul est resté le Mur d'arrière-plan qui entourait ce no-man's-land, aujourd'hui paré de graffiti.
Un dimanche du printemps 2009, Joe Hatchiban, coursier installé depuis 2003 dans la capitale allemande, a posé son vélo, sa sono et son ordinateur portable au milieu du parc, non loin d'un marché aux puces. Il a fait chanter la dizaine de personnes qui se trouvait assise sur les gradins en pierre, au milieu du parc.
"Je suis revenu les dimanches suivants, les gens ont commencé à venir danser ou chanter et dès que la météo est devenue clémente, des gens se sont mis à m'attendre le dimanche après-midi", raconte-t-il. De cinq ou six les premières fois, ils deviennent des centaines. Puis des milliers. Ils viennent chanter "Macarena", "I will survive", "Raining men", "Like a virgin" "et tous les classiques du karaoke", selon l'organisateur.
Parfois, pour mettre du beurre dans les épinards, Joe passe dans les rangs avec une vieille boîte en fer.
Un pareil succès l'a-t-il surpris? "Je n'avais pas fondé d'espoir sur ce qui pourrait se passer, j'avais juste espéré que ce soit drô le", assure-t-il, flegmatique.
La manifestation attire désormais beaucoup de touristes mais aussi des vendeurs de bières et de sodas à la sauvette.
"Avec son karaoke, Joe a montré qu'on pouvait avoir du succès sans la moindre logique commerciale derrière", se réjouit Axel Puell qui dirige l'assocation des Amis du Mauerpark. "Il n'y a rien à gagner, la participation est gratuite et il n'y a aucune pub derrière", ajoute-t-il.
Mais c'est peut-être aussi la limite de cette manifestation. "Un jour, Joe aura envie de faire autre chose", selon lui. "Et il est fort probable que s'installe à la place un spectacle commercial".
Le soleil est au zenith. A l'entrée du parc, des adeptes d'Hare Krishna tentent de réveiller la conscience spirituelle du public avec un tambour et un mantra répété à l'infini. Une paire de jean's élimés s'aventure sur la scène du karaoke. Entonne "The Wall" de Pink Floyd. Le public reprend à nouveau le refrain. "C'est juste un nouveau trou dans le Mur", disent les paroles en anglais.