Le spectacle vivant cherche de nouveaux débouchés... au cinéma
AFP
Paris - Opéras du "Met", concerts pop comme celui d'Elton John, pièces de théâtre: le spectacle vivant s'affiche désormais dans des salles de cinéma, en direct et en haute résolution, pour toucher un public qui n'y aurait pas forcément accès.
En France, c'est la société CielEcran qui assure la vidéotransmission par satellite des spectacle du Met. Deux tentatives en avril dernier ("La Bohème" de Puccini et "La Fille du régiment" de Donizetti), réunissant près de 10.000 spectateurs, ont poussé l'opérateur français à passer à la vitesse supérieure.
Cette saison, CielEcran aura retransmis, entre octobre et mai, dix opéras de la maison new-yorkaise dans toute la France (33 salles le 20 décembre pour "Thaïs" de Massenet), pour un prix conseillé de 15 à 18 euros.
La société française diversifie à présent son offre: elle diffusera le 20 mars un spectacle de chansonnniers en direct du théâtre parisien des Deux-Ânes, après avoir déménagé le "Red piano" d'Elton John de Bercy dans une centaine de salles en Europe.
"Des artistes nous disaient: +Je fais une tournée, s'il y a retransmission, personne ne va venir voir mon spectacle+. Nous répondons +c'est tout le contraire qui va se passer, il va y avoir du +buzz+ sur votre tournée+", explique à l'AFP le directeur général de CielEcran, Marc Welinski.
"Pour Elton John, on a fait 15.000 spectateurs qui ne seraient pas venus le voir à Bercy", ajoute-t-il.
"Dans un contexte où tout le monde se demande comment financer le développement de la musique, du spectacle vivant, de l'opéra, notre démarche est intéressante", fait-il encore valoir.
Certains exploitants de cinémas se sont en tout cas laissé convaincre, comme Kinépolis, qui retransmet les spectacles du Met dans une salle de chacun de ses sept multiplexes français, à Lille, Metz, Mulhouse, Nancy, Nîmes (deux complexes) et Thioville.
"On est extrêmement contents à trois titres: le rendu de l'image et du son, le taux de remplissage et la satisfaction du public, avec lequel nous pouvons ainsi nouer une relation différente", souligne Eric Meyniel, directeur de la programmation et du marketing de Kinepolis France.
Le directeur de l'Opéra de Paris ne partage pas totalement cet enthousiasme. "Je trouve que les retransmissions dans des villes où il n'y a pas de maisons d'opéra, c'est très bien. Par contre, que le Met vienne sur les Champs-Elysées (au Gaumont Marignan, NDLR), c'est inintéressant dans une ville où il y a 1,2 million de spectateurs pour le lyrique", estime Gerard Mortier, qui voit dans l'opération "un énorme coup de pub pour le Met, mais pas pour l'opéra".
En outre, souligne l'intendant flamand, "le danger est grand que ces retransmissions donnent toujours plus d'importance aux +blockbusters+ du répertoire, comme +Lucia di Lammermoor+ ou +Madame Butterfly+".
Marc Welinski rappelle qu'il n'est pas du rôle de sa société -- privée -- de "prendre des risques artistiques", mais insiste sur l'originalité de son concept, "intermédiaire" selon lui entre le vécu réel d'un spectacle et la retransmission télévisée.
"Nous offrons sur grand écran une émotion collective, ce qui est extrêmement important par les temps qui courent", affirme-t-il.