Les Bleus sont-ils d'attaque pour affronter la Lituanie ?
lemonde.fr/Bruno Lesprit
A tant évoquer les déboires défensifs des Bleus et leur moyenne de deux buts encaissés par match dans les éliminatoires de la Coupe du Monde 2010, on en avait fini par oublier les problèmes d'une attaque incapable de combler ce handicap.
Ainsi le sélectionneur Raymond Domenech a convoqué en catastrophe pas moins de trois nouveaux joueurs, comme autant de lapins sortis de son chapeau. Si l'adoubement du Parisien Guillaume Hoarau, qu'il a fallu convoquer sur son lieu de vacances, était attendu, peu d'observateurs auraient misé un centime d'euro sur son coéquipier de club Péguy Luyindula - qui n'avait plus connu pareil honneur depuis... l'automne 2004 - ni sur le Niçois Loïc Rémy, novice au club France.
Or, c'est peu dire que les Bleus sont dans une position inconfortable avant de jouer à Kaunas, la deuxième ville lituanienne : ils pointent à la troisième place du groupe 7, avec cinq points de retard sur la Serbie et la Lituanie, qui comptent heureusement toutes deux un match d'avance. Le moment est-il propice pour faire des "paris permanents", selon la terminologie du technicien ?
A sa décharge, Raymond Domenech n'a pas été épargné par les coups du sort. Après le forfait de Nicolas Anelka, l'attaquant rennais Jimmy Briand (un des rares à avoir été confirmé au fil des listes doménéchiennes) a vu sa saison se terminer après un choc avec le gardien Cédric Carrasso, en s'entraînant sur la pelouse de Clairefontaine. Et une autre recrue prometteuse, le Toulousain Pierre-André Gignac, meilleur buteur de la Ligue 1, souffre d'une lésion musculaire. "Là, on prépare la Lituanie. Je voulais resserrer un petit peu le groupe, ce n'était pas le moment de faire des expériences, de se disperser. Je suis resté sur des gens qui étaient déjà venus, qui avaient de la maturité." Ainsi s'exprimait Raymond Domenech avant la dernière sortie des Bleus, le match amical perdu 2-0 contre l'Argentine, le 11 février, à Marseille. A quelques heures du coup d'envoi contre les Baltes, c'est à ne plus rien y comprendre : les Tricolores, en pleine opération portes ouvertes, intègrent trois nouveaux joueurs : Gignac, Hoarau et Rémy. Raymond Domenech a dû reconnaître qu'il y avait "un problème d'attaquants" en précisant : "Il nous manque un attaquant et demi."
Même si on leur souhaite la réussite en bleu, ces trois-là courent un risque élevé de rejoindre la cohorte d'attaquants appelés et rarement utilisés par le sélectionneur depuis le fiasco de l'Euro 2008. Derrière les incontestables Thierry Henry, Nicolas Anelka et Karim Benzema - même si les deux derniers n'ont pas le même rendement en équipe de France qu'avec Chelsea et Lyon -, quiconque désormais se distingue au classement des buteurs de Ligue 1 a des chances de porter le maillot bleu. Le plus difficile étant évidemment de le conserver. Cette logique presque automatique n'a guère produit de résultats durables.
Malgré son âge canonique (29 ans), le Caennais Steve Savidan a fait souffler un vent de fraîcheur sur les avant-postes en entrant au cours du match contre l'Uruguay (0-0) en novembre 2008. Quatre mois plus tard, le maillot bleu floqué à son nom, très prisé alors au Stade de France, devrait devenir un collector. Médiocre avec Caen, Savidan n'est plus en odeur de sainteté, au même titre qu'un autre élu de l'automne, Florent Sinama-Pongolle (Atletico Madrid). Un chasseur de buts du championnat les avait précédés dans la disgrâce : Bafétimbi Gomis, qui brilla lors de sa première sélection en mai 2008 en inscrivant deux buts contre l'Equateur avant d'être englouti dans le naufrage collectif de l'Euro.
"Ce sont les joueurs et leurs performances qui font la différence. Quelque part, ce n'est pas moi qui fais la sélection", a déclaré Raymond Domenech avec une ironie masochiste. A priori ni Gignac, ni Hoarau, ni Luyindula, ni Rémy ne devraient être titulaires samedi contre la Lituanie. A moins que la série noire des blessures perdure.