Les Tunisiennes appelées à défendre leurs droits face aux islamistes
AFP
Tunis - Les Tunisiennes sont appelées à manifester lundi à Tunis pour dénoncer une islamisation rampante menaçant leurs droits et exiger le retrait d'un projet d'article de la Constitution qui revient, selon des syndicats et ONG, sur le principe de l'égalité des sexes.
Le texte, qui a recueilli plus de 8.000 signatures sur internet, souligne que la femme est "citoyenne au même titre que l'homme et ne doit pas être définie en fonction de l'homme".
Adopté le 1er août par une commission de l'Assemblée mais devant encore être approuvé lors d'une séance plénière, l'article 27 stipule que "l'Etat assure la protection des droits de la femme, de ses acquis, sous le principe de complémentarité avec l'homme au sein de la famille et en tant qu'associée de l'homme dans le développement de la patrie".
"+Egalité+ devient +complémentarité+ mais en fait c'est tout le cadre juridique des relations entre les hommes et les femmes qui change", s'alarme Meherzia, une enseignante.
La Ligue des droits de l'Homme, des ONG féministes et la puissante centrale syndicale (UGTT) se sont donné rendez-vous lundi soir pour un défilé de protestation à l'occasion de l'anniversaire de la promulgation du Code de statut personnel (CSP) le 13 août 1956.
Le ministère de l'Intérieur a autorisé cette marche sur l'artère Mohamed V au centre de Tunis mais pas sur l'avenue principale Habib Bourguiba. En France, un collectif d'ONG et d'expatriés a aussi appelé à un rassemblement lundi à Paris "pour la sauvegarde" des droits des Tunisiennes.
"Les risques de régression ne concernent pas uniquement les droits de la femme puisqu'il s'agit d'une remise en cause de tout un modèle de société", estime le juriste Sadok Belaid, lors d'un débat autour du CSP au Centre de recherche sur la femme (Crédif).
Le CSP consiste en une série de lois édictées cinq mois après l'indépendance par le premier président Habib Bourguiba pour instaurer l'égalité juridique entre l'homme et la femme dans plusieurs domaines.
Sans équivalent dans le monde arabe, ces lois interdisent la polygamie et la répudiation, autorise le divorce judiciaire et le mariage civil. Ce dispositif est enraciné dans la société en Tunisie, où les femmes sont présentes dans tous les domaines d'activités.
Face à ces critiques, le parti islamiste Ennahda, aux commandes du gouvernement de coalition formé après les élections post-révolution, ne cesse d'affirmer son attachement aux droits des Tunisiennes et au CSP.
Et son chef Rached Ghannouchi a tenté de minimiser la controverse.
"Certains députés ont vu dans cette formulation (complémentarité au lieu d'égalité, ndlr) un recul sur les principes fondamentaux comme celui de l'égalité, mais ce principe fait l'objet d'un accord entre Ennahda et ses partenaires", a-t-il assuré, en référence à ses alliés de gauche, Ettakatol et le Congrès pour la République (CPR) du président Moncef Marzouki.
"Nous demandons le retrait pur et simple de l'article qui constitue une violation des acquis des femmes et de leur humanité", a dit à l'AFP Ahlem Belhaj, présidente de l'Association des femmes démocrates.
Loin d'être anecdotique, cette polémique intervient alors que de nombreuses femmes dénoncent des pressions islamistes croissantes. Ainsi, un débat a fait rage sur internet entre islamistes et laïcs sur le short de l'athlète Habiba Ghribi, médaillée tunisienne aux jeux Olympiques de Londres, des radicaux réclamant notamment le retrait de sa nationalité.