Les autorités mauritaniennes libèrent le journaliste emprisonné
Magharebia.com/Mohamed Yahya Ould Abdel Wedoud
Les autorités mauritaniennes ont libéré le journaliste indépendant et professeur à l'université de Nouakchott Abbass Ould Braham ce mercredi 18 mars et levé l'interdiction de son site web, Taqadoumy. Ould Braham, connu pour son opposition au coup d'Etat et au régime en place, avait été arrêté lundi.
Plusieurs journalistes mauritaniens ont tenté d'organiser un sit-in de protestation devant le bureau des Nations Unies à Nouakchott lundi, pour dénoncer cette arrestation.
La police mauritanienne a alors fait usage de gaz lacrymogènes contre les manifestants et fait preuve de violence.
"Nous n'aurions jamais prévu une telle rudesse de la part des autorités, car nous ne sommes qu'un groupe d'écrivains, pacifiques et non armés", a déclaré le journaliste Sidi Ahmad. "La loi nous accorde le droit de manifester. Ils ont brusquement commencé à nous frapper. C'est manifestement le début d'une atteinte à la liberté de la presse dans ce pays."
Certains Mauritaniens lient la récente visite du leader libyen Moammar Kadhafi aux limites qui semblent désormais imposées à la presse.
"Le conseil militaire au pouvoir autorisait jusqu'à présent une certaine marge de liberté à la presse", a expliqué Moulay El Hacen Ould Sidi. "Mais avec la récente visite de Kadhafi, qui a apporté son soutien au conseil et attaqué la démocratie, la liberté est étranglée. Ce que nous avons vu cette semaine en est la meilleure preuve."
Un avis totalement partagé par la directrice de la revue Points Chauds, Aze Ment Moulay El Hacen, qui vient de passer la Journée Internationale de la Femme au tribunal après un article concernant la disparition de sommes importantes dans l'une des institutions de l'Etat. L'affaire est en cours.
L'année dernière "a vu une limitation sans précédent à la liberté de la presse, et les mesures d'intimidation et de punition en sont venues à se substituer à tous les autres principes", a-t-elle déclaré. "Des sites web ont été bloqués, et des journaux ont reçu des lettres de menace. Le pire, c'est que le Président, le général Mohamed Ould Adel Aziz, a dénigré la presse dans son discours d'Akjoujt, il y a deux jours."
La Confédération Générale des Travailleurs Mauritaniens a dénoncé la détention du journaliste Ould Braham, publiant une mise en garde concernant la détérioration des libertés publiques, en particulier la liberté de la presse.
Dans son message, la confédération affirme que "le conseil militaire au pouvoir a réagi avec force pour dissoudre une manifestation pacifique organisée par des journalistes des médias nationaux et internationaux pour protester contre les mesures prises dans notre pays… Cette escalade militaire reflète la volonté de museler toutes les voix qui ne sont pas d'accord avec le discours officiel de soutien au coup d'Etat".
Le ministre Mohamed Ould Abderrehman Ould Meine, membre du Haut Conseil d'Etat, a tenu une conférence de presse pour s'excuser de ce qu'il a qualifié de "traitement inapproprié" par les forces de sécurité à l'encontre des journalistes qui protestaient contre l'arrestation de leur collègue Ould Braham.
Il a toutefois ajouté que les journalistes devaient garantir leur propre sécurité en évitant "les provocations peu honorables" qui n'assurent ni la sécurité ni la stabilité du pays.
"La liberté de la presse en Mauritanie est un fait non négociable", a déclaré à Magharebia un responsable du ministère de la Communication. "Nous avons publié des instructions à tous les services administratifs pour qu'ils respectent les journalistes et facilitent leur travail. Pas une seule fermeture de journal n'a été signalée à ce jour."
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"Nous croyons vraiment que la liberté de la presse est une chose sacrée", a-t-il poursuivi. "Pour le prouver, le Président, le général Mohamed Ould Adel Aziz, est toujours accompagné d'une équipe de reporters lors de ses déplacements dans le pays ou à l'étranger."
Le Président déchu Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi a très vivement critiqué les mesures prises par les forces de sécurité contre des membres des médias qui protestaient contre l'arrestation d'Ould Braham, et la censure de son site web.
De nombreux habitants de Nouakchott ont fait part à Magharebia de leur solidarité avec les journalistes, affirmant leur engagement envers la liberté de la presse telle qu'elle est garantie par la constitution.
"Nous demandons que l'ensemble des autorités civiles et militaires respectent la liberté de la presse", a déclaré Mohammed Al Fath, un étudiant. "C'est un acquis considérable dans les pays démocratiques, ainsi qu'un droit de l'Homme et le reflet de l'opinion publique. La supprimer signifie supprimer l'opinion publique."