Les étudiants grecs fuient la Grèce pour chercher un emploi à l'étranger
AFP
Athénes - Dans un café du centre d'Athènes, deux jeunes Grecs, tous deux âgés de 26 ans, tous deux titulaires de diplô mes de Master, boivent un énième café en échafaudant des plans pour mener à bien leur grand projet : partir s'installer à Londres.

"C'est un cauchemar", dit Komninos, diplô mé de sciences politiques, au chô mage depuis plus d'un an.
"J'adore mon pays, tous mes amis et ma famille y vivent, mais au bout d'un an que puis-je espérer? Je n'espère rien. Il n'y a rien à espérer en Grèce", lâche-t-il à l'AFP.
"Nous n'avons pas beaucoup de choix, c'est la triste réalité" acquiesce Costas, diplô mé de graphisme.
Le professeur Lois Labrianidis, économiste et géographe à l'université de Salonique (nord) estime entre 110.000 et 135.000 le nombre de jeunes diplô més grecs travaillant à l'étranger, soit 9% du total des diplô més en Grèce.
Selon l'étude de Kapa, menée auprès de 5.442 personnes âgées de 22 à 35 ans et ayant effectué au moins deux ans d'études supérieures, 42% des sondés font, comme Costas et Komninos, des plans pour partir.
Les chiffres du chô mage publiés la semaine dernière illustrent l'aggravation de la situation: Alors que le taux du deuxième trimestre atteint 11,8%, au plus haut depuis onze ans, le chô mage touche 22,8% des 15-29 ans contre 17,7% au deuxième trimestre 2009.
"Le moral en Grèce est très bas", admet Komninos, qui a postulé en vain à plus de 100 emplois différents en un an.
Les seuls emplois qu'on leur a proposés étaient sans qualification, mal payés, la plupart du temps sans contrat de travail ni de paiement des heures supplémentaires.
"Il y a une fuite des cerveaux de Grèce" dit M. Labrianidis, "ce problème est connu depuis longtemps", mais il y a eu une accélération au début des années 90 et la crise que traverse actuellement la Grèce va sans doute aggraver les choses, selon lui.
Le chercheur a mené une enquête auprès de 2.800 étudiants grecs expatriés, dont 51% étaient titulaires d'un doctorat. Il relève que les entreprises grecques cherchent peu de gens très qualifiés, trop occupées à entrer en compétition avec les secteurs d'activité à bas coûts, situés dans les pays voisins des Balkans ou en Turquie, comme le textile par exemple.
"Trop de diplô més, trop peu d'emploi" résume Savas Robolis, directeur scientifique de l'organisme de recherche du GSEE, principal syndicat du privé.
Sur 80.000 nouveaux diplô més entrant sur le marché du travail chaque année, les entreprises grecques ont, selon lui, la possibilité d'en absorber que la moitié.
Dans son dernier rapport sur l'éducation, l'OCDE encourage les gouvernements à investir dans l'enseignement supérieur malgré la crise, afin d'encourager, à terme, la création d'entreprises, l'emploi et d'augmenter les revenus fiscaux.
Pour M. Robolis, comme pour M. Labrianidis, le gouvernement grec --aux prises avec des mesures d'austérité drastiques -- doit prendre conscience du problème. Selon M. Robolis, il doit même lancer un appel aux expatriés pour qu'ils rentrent au pays, y compris en proposant des incitations.
"Nous ne voulons pas quitter la Grèce, mais si les choses continuent d'aller comme elles vont, nous ne reviendrons pas", dit Komninos.