Les internats publics aident les jeunes Marocaines à poursuivre leur scolarisation

Magharebia.com/Sarah Touahri

Les filles habitant dans les villes marocaines ont cinq fois plus de chances de rester scolarisées que leurs homologues des régions rurales. Le taux national de fréquentation se situe aux alentours de 60 pour cent, mais il n'est que de 16,5 pour cent chez les filles des régions les plus reculées.

Les internats publics aident les jeunes Marocaines à poursuivre leur scolarisation
La distance entre le domicile et l'école étant la principale raison de cette grande disparité, un programme d'internat novateur permettra peut-être de scolariser ces jeunes filles au-delà des six années d'enseignement primaire, ont récemment expliqué les concepteurs de ce programme lors d'un forum organisé à Rabat.
Le programme Dar Taliba de Qualité (d'internats pour les filles) s'affirme comme étant un excellent modèle de partenariat entre le secteur public et les associations caritatives. L'idée est de fournir un logement, un soutien éducatif et un programme d'enrichissement psychologique spécialement conçu pour les jeunes filles des régions éloignées, afin qu'elles puissent poursuivre leurs études au-delà du primaire.
En 2005, l'Entraide Nationale, la Fédération Nationale des Associations de Bienfaisance (FNAB) et le projet ALEF de l'Agence américaine pour le développement international (USAID) ont créé ces internats pour permettre aux filles des régions les plus reculées du royaume de réussir dans le système scolaire.
Cette initiative "permet aux femmes et aux jeunes filles, notamment issues des zones rurales, de sortir du cycle de la marginalisation et de l'illétrisme", a expliqué Mohamed Belmahi, le secrétaire général de la FNAB, jeudi 26 février lors d'une conférence organisée à Rabat pour présenter l'état d'avancement de ce programme sur les trois dernières années.
Le directeur de l'Entraide Nationale Mohamed Talbi a expliqué que le programme Dar Taliba s'était avéré "un modèle réussi d'encouragement au développement social et personnel des jeunes filles".
De jeunes bénéficiaires de ce programme participaient également à cette conférence et ont présenté plusieurs expériences. Ces jeunes filles, qui n'auraient jamais rêvé pouvoir un jour mener leurs études à leur terme, affichent désormais une ambition sans précédent. Elles ont repris confiance dans leurs capacités propres et rêvent de conquérir le marché du travail dans les années à venir.
L'époque où elles ne voyaient leur avenir qu'en termes de mariage est bien révolue.
Sara, une jeune adolescente de 15 ans, reconnaît volontiers que sans Dar Taliba, elle aurait dû quitter l'école il y a longtemps. Même chose pour Khadija, qui, grâce à l'aide apportée par Dar Taliba, a pu pousser son éducation et s'assurer ainsi de meilleures chances de succès.
Amina, 14 ans, s'exprime désormais avec facilité en arabe comme en français. Elle n'hésite pas à parler aux gens, alors qu'il y a encore deux ans, c'était une jeune fille timide qui avait des difficultés à s'exprimer clairement. Pleine d'énergie, elle a raconté à Magharebia que le passé était derrière et qu'elle est aujourd'hui prête à envisager un avenir prometteur.
"J'ai appris à aborder les difficultés et à regarder la vie avec un regard différent. Un être humain n'est rien sans savoir et sans culture. Et j'espère bien réussir", affirme-t-elle, les yeux brillant d'intelligence.
"Mes parents m'aideront, après avoir vu comme j'ai changé, alors qu'au départ, ils avaient pour projet de m'arranger un mariage. Malheureusement, ce n'est pas le cas pour d'autres filles", ajoute-t-elle.
Les observateurs attribuent le succès du modèle Dar Taliba à plus que le seul aspect géographique et aux professeurs exceptionnels. L'enrichissement socio-psychologique et les activités parascolaires sont également des facteurs importants dans le changement d'attitude de ces jeunes filles, explique Aziza Hmamouchi, la responsable du volet éducation du programme ALEF.
"Nous avons encouragé les élèves à devenir indépendantes, à s'ouvrir au monde et à développer leurs capacités créatives et analytiques. Leur esprit civique est absolument essentiel au succès de leur intégration économique et sociale", ajoute Mme Hmamouchi.
Les études du gouvernement montrent que ce programme fonctionne parfaitement : le taux d'abandon scolaire dans ces établissements est inférieur à un pour cent. Le taux général de réussite des élèves du programme Dar Taliba a pratiquement doublé, passant de 43 pour cent en 2005-2006 à 84 pour cent en 2007-2008.
"Ces chiffres n'ont rien à voir avec la chance", affirme le directeur de l'Entraide Nationale, Mohamed Talbi. "Ils s'expliquent par une approche participative impliquant tous les acteurs de ces structures."
Le chargé d’affaires intérimaire de l'ambassade des Etats-Unis au Maroc, Robert Jackson, considère lui aussi cette expérience comme très positive. "Ce modèle vient en soutien des programmes et projets lancés par le Maroc dans le cadre de ses efforts visant à lutter contre l'abandon scolaire et à améliorer la qualité de l'enseignement", explique-t-il.
Ces internats sont importants parce qu'ils permettent aux filles d'être motivées pour devenir des "chefs de classe", ajoute Joshua Muskin, le directeur du projet ALEF. Pour lui, ce sont les efforts des éducateurs qui distinguent les centres Dar Taliba des autres institutions.
Le projet pilote ALEF avait été lancé en 2005-2006 avec seulement 90 jeunes filles réparties dans quatre internats : à Tighassaline (dans la province de Khénifra), Beni-Tajjit (dans la province de Figuig), Beni-Battaou (dans la province de Khouribga) et Tinjdad (dans la province d'Errachidia). Il fut ensuite étendu en 2006-2007 à dix Dar Talibas de l'Entraide Nationale, portant le nombre de bénéficiaire à 1 090 pensionnaires. En 2007-2008, 16 000 jeunes filles en ont bénéficié, dans un total de 212 centres de la sécurité sociale.
Lorsque fut lancée l'initiative Dar Taliba, il ne fut toutefois pas facile de convaincre les parents d'envoyer leurs filles ailleurs pour poursuivre leurs études. Les statistiques reflètent en effet un problème persistant : dans les zones rurales, les parents envisagent rarement de permettre à leurs filles de continuer leurs études au delà de l'école primaire.
Les éducateurs durent déployer des efforts immenses pour faire naître ce projet. Mais au bout de trois ans, ces internats ont acquis une excellente réputation au sein de la population.
Désormais, encourager la scolarisation des filles, en particulier dans les zones rurales, est devenu une priorité pour le ministère de l'Education Nationale.
Encouragée par ces résultats très positifs et l'expérience de la collaboration avec l'USAID, l'Entraide Nationale envisage d'étendre ce programme dans l'ensemble de ses 774 établissements de sécurité sociale dans tout le pays, en commençant en 2009 par la région de Souss-Massa-Drâa.
"Nos internes commencent maintenant à penser à l'avenir et à se fixer des objectifs", a expliqué Meriam Begari, une enseignante, à Magharebia. "Certaines souhaitent poursuivre leurs études aussi loin que possible, d'autres veulent apprendre un métier, en particulier dans l'artisanat ou le tourisme."


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