Les talibans se dotent d’un code du combattant

CG News - Lawrence Korb

Lawrence Korb - Le 27 juillet dernier, trois mois après que le gouvernement Obama eut dévoilé sa stratégie totale pour l’Afghanistan et trois semaines avant l’élection présidentielle afghane du 20 août, les talibans ont fait paraître leur code de conduite du combattant. L’ouvrage — 13 chapitres et 67 articles — propose une liste de choses à faire et à ne pas faire, avec notamment des conditions strictes pour tuer des civils.

Les talibans se dotent d’un code du combattant
En tournant en dérision ce code de conduite, considéré comme un instrument de propagande et non comme un projet que les talibans mettraient réellement en oeuvre, les responsables militaires américains ont manqué l’essentiel : le fait que les talibans aient éprouvé la nécessité de publier un tel livre montre qu’ils craignent que la technique Obama ne soit en train de marcher.

Comme le code du combattant l’indique correctement, le conflit entre la Force internationale d'assistance à la sécurité de l’OTAN sous commandement américain et les talibans est en fait une bataille pour gagner les coeurs et les esprits du peuple afghan. Au début les Afghans ont bien accueilli l’opération conduite en 2001 par les Etats-Unis pour écarter les talibans du pouvoir.

Mais quelle ne fut pas leur déception lorsque le gouvernement Bush mit le paquet sur la guerre en Irak, renonçant à tenir son engagement d’assurer la sécurité, le développement et la reconstruction de l’Afghanistan.

”En Irak nous faisons ce que nous devons faire, en Afghanistan nous faisons ce que nous pouvons”, notait, en 2007, l’amiral Mike Mullen, président du Comité des chefs d'États-majors interarmées. A l’époque, les Etats-Unis avaient engagé 170.000 hommes en Irak, contre seulement 30.000 en Afghanistan, et dépensaient 12 milliards de dollars en Irak contre seulement deux milliards en Afghanistan. Les forces de sécurité que les Etats-Unis formaient en Irak se montaient à 600.000 en Irak, contre moins de 100.000 en Afghanistan.

C’est ce manque d’intérêt et de moyens qui a permis aux talibans de se regrouper et de reprendre possession d’importantes portions du territoire, en particulier au sud et à l’est, à partir de 2006, à un moment où l’OTAN n’avait pas assez de troupes à laisser dans les secteurs qu’elle avait dégagés et n’avait pas formé assez de forces de sécurité afghanes destinées à y rester. Cela a eu aussi pour conséquence que les Afghans se sont demandé si les Etats-Unis n’allaient pas les abandonner comme ils l’avaient fait dans les années 80 après le départ des Soviétiques.

Surtout, lorsqu’en 2006 les talibans ont repris des territoires comme le district de Musaqila dans la province du Helmand, ils ont exécuté ou mis en prison les anciens des tribus pour les punir de leur collaboration avec les Américains et leurs alliés. Ce faisant ils soulignaient le message qu’ils seraient là pour longtemps, alors que l’OTAN et les Etats-Unis ne sont que de passage. Le commandement militaire américain n’a fait qu’aggraver les choses en misant de plus en plus sur l’aviation pour compenser le manque de troupes, avec souvent de grosses pertes civiles — ce qui a encore contribué à aliéner la population afghane.

En décidant de mettre en oeuvre sa promesse de campagne — accorder la priorité à l’Afghanistan en y envoyant 20.000 mille hommes en renfort et des centaines de travailleurs civils, en donnant à la reconstruction et au développement une assistance accrue, en augmentant les dimensions de l’armée et de la police afghanes — le président Obama pourrait changer de manière spectaculaire la situation sur le terrain. Cette injection de moyens est un signal : l’engagement du gouvernement américain pour le bien être des Afghans se positionne dans la durée. C’est cette transformation, et pas seulement la défaite des talibans, qui permettra aux Etats-Unis de gagner les coeurs et les esprits du peuple afghan.

Pour contrecarrer ce revirement, les talibans ont vu qu’ils devaient transformer leur image. Plutôt que de ne compter que sur la violence pour intimider la population, les responsables ont sorti un code de conduite enjoignant aux combattants de gagner les coeurs et les esprits de la population : limiter le nombre des attentats suicide, éviter les pertes civiles, ne pas libérer de prisonniers contre de l’argent, ne faire “aucune discrimination fondée sur la race, la langue ou l’origine”.

Il nous faudra attendre pour voir si ce code sera totalement mis en oeuvre. Pendant ce temps, les Etats-Unis et les forces de l’OTAN trouveront sans doute du réconfort dans le fait que les talibans auraient tout à craindre si cette nouvelle stratégie américaine réussissait.


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