Les violences faites aux femmes cause nationale en Afrique du Sud
AFP
Johannesburg - En quelques mois, la lutte contre les violences faites aux femmes est devenue une priorité nationale en Afrique du Sud, tout comme les inégalités raciales et sociales qui la déchirent encore un quart de siècle après la chute de l'apartheid.
A l'heure du mouvement #MeToo, Miss Afrique du Sud, Zozibini Tunzi, a décidé d'en faire son combat pour l'élection de Miss Univers le mois prochain. Elle a demandé aux hommes de son pays de lui écrire des messages d'amour destinés aux femmes, dont elle veut décorer sa robe.
Il s'agit, a-t-elle expliqué sur les réseaux sociaux, "de continuer la réflexion autour des violences faites aux femmes".
Dans la nation "arc-en-ciel" rêvée par Nelson Mandela, les féminicides sont un fléau. Selon des statistiques publiées en septembre, une femme y est assassinée toutes les trois heures et, chaque jour, la police enregistre 110 plaintes pour viol.
Dûment documentées depuis des années, ces violences n'ont jamais suscité beaucoup d'émotion. Sauf peut-être lors du procès à grand spectacle du champion paralympique Oscar Pistorius, condamné en 2017 à treize ans de réclusion pour le meurtre de sa compagne Reeva Steenkamp.
Ce n'est plus le cas.
"Il y a eu un changement radical dans les réactions que (le problème) suscite, notamment chez les jeunes femmes", résume Catherine Burns, professeure d'histoire à l'université de Pretoria. "On le voit (...) à la peur et la prudence de certains hommes en public, à la façon différente dont ils s'expriment".
L'universitaire fait remonter la libération de la parole des femmes aux grèves pour la suppression des frais de scolarité qui ont agité les universités sud-africaines depuis 2015.
Mais la colère a véritablement explosé après la mort en août d'une jeune étudiante du Cap (sud-ouest), Uyinene Mrwetyana, violée et battue à mort dans un bureau de poste.
Le meurtre de trop pour de nombreuses victimes, qui ont multiplié les manifestations sur les campus et dans les rues des plus grandes villes du pays avec des slogans aussi explicites que "mon corps n'est pas une scène de crime" ou encore "#SeraisJeLaProchaine".
Alors en visite en Afrique avec son mari le prince Harry, l'actrice américaine Meghan Markle a donné un écho mondial à la révolte en nouant "par solidarité" un ruban jaune sur la balustrade des lieux du crime de Uyinene.
Pressé de réagir, le président Cyril Ramaphosa a annoncé un plan d'urgence de plus d'un milliard et demi de rands (près de 100 millions d'euros) contre les féminicides, qui prévoit notamment de renforcer la répression de leurs auteurs.
Au Parlement, il a comparé le niveau des violences infligées aux femmes sud-africaines "à celui d'un pays en guerre".
Avec une célérité exceptionnelle, la justice a condamné la semaine dernière le postier qui a avoué le viol et le meurtre de Uyinene Mrwetyana à la réclusion à perpétuité. Un exemple "à vocation dissuasive", selon M. Ramaphosa.
Inédite dans le pays, la mobilisation suscitée par cette affaire a été dopée par les réseaux sociaux.
"Nous commençons à assister à l'émergence d'une nouvelle génération de militantes qui expriment leur colère par des moyens différents", se réjouit Pumla Gqola, enseignante à l'université du Witwatersrand de Johannesburg.
Même les médias traditionnels se sont emparés du sujet. Depuis ce mois-ci, la télévision publique SABC offre désormais chaque semaine une tribune aux victimes, qui racontent leur expérience sur un "canapé orange", titre de l'émission.
Leurs récits sont souvent brutaux. "Les femmes sont en colère et c'est préoccupant", s'inquiète sous couvert d'anonymat une victime. "Elles racontent leurs histoires, celles de leurs mères (...) elles ont porté cette colère toute leur vie et ça les rend elles aussi violentes", ajoute-t-elle.
Militante féministe à l'université du Cap, Zimasa Mpemnyama espère que le soufflé ne retombera pas.
"Il y a des hauts où tout le monde en parle", note-t-elle, "mais aussi des bas où les gens n'en parlent plus à cause de tous les autres problèmes de notre société".
"Parce que (les violences faites aux femmes) affectent tant de secteurs de notre société, je ne crois pas que le problème puisse retomber dans l'oubli où il était il y a encore seulement cinq ans", veut croire Catherine Burns.
"Ce qu'on voit aujourd'hui en Afrique du Sud, c'est le fruit d'une impatience", renchérit Pumla Gqola.
C'est peut-être un signe, même la douce ivresse qui s'est emparée de l'Afrique du Sud depuis son titre mondial de rugby n'a pas réussi à enterrer la question.
En recevant les Springboks, la présidente du Parlement Thandi Modise a fait des "violences faites aux femmes", au même titre que les "tensions raciales", une des calamités que leur triomphe avait permis d'oublier. Momentanément seulement.
Il s'agit, a-t-elle expliqué sur les réseaux sociaux, "de continuer la réflexion autour des violences faites aux femmes".
Dans la nation "arc-en-ciel" rêvée par Nelson Mandela, les féminicides sont un fléau. Selon des statistiques publiées en septembre, une femme y est assassinée toutes les trois heures et, chaque jour, la police enregistre 110 plaintes pour viol.
Dûment documentées depuis des années, ces violences n'ont jamais suscité beaucoup d'émotion. Sauf peut-être lors du procès à grand spectacle du champion paralympique Oscar Pistorius, condamné en 2017 à treize ans de réclusion pour le meurtre de sa compagne Reeva Steenkamp.
Ce n'est plus le cas.
"Il y a eu un changement radical dans les réactions que (le problème) suscite, notamment chez les jeunes femmes", résume Catherine Burns, professeure d'histoire à l'université de Pretoria. "On le voit (...) à la peur et la prudence de certains hommes en public, à la façon différente dont ils s'expriment".
L'universitaire fait remonter la libération de la parole des femmes aux grèves pour la suppression des frais de scolarité qui ont agité les universités sud-africaines depuis 2015.
Mais la colère a véritablement explosé après la mort en août d'une jeune étudiante du Cap (sud-ouest), Uyinene Mrwetyana, violée et battue à mort dans un bureau de poste.
Le meurtre de trop pour de nombreuses victimes, qui ont multiplié les manifestations sur les campus et dans les rues des plus grandes villes du pays avec des slogans aussi explicites que "mon corps n'est pas une scène de crime" ou encore "#SeraisJeLaProchaine".
Alors en visite en Afrique avec son mari le prince Harry, l'actrice américaine Meghan Markle a donné un écho mondial à la révolte en nouant "par solidarité" un ruban jaune sur la balustrade des lieux du crime de Uyinene.
Pressé de réagir, le président Cyril Ramaphosa a annoncé un plan d'urgence de plus d'un milliard et demi de rands (près de 100 millions d'euros) contre les féminicides, qui prévoit notamment de renforcer la répression de leurs auteurs.
Au Parlement, il a comparé le niveau des violences infligées aux femmes sud-africaines "à celui d'un pays en guerre".
Avec une célérité exceptionnelle, la justice a condamné la semaine dernière le postier qui a avoué le viol et le meurtre de Uyinene Mrwetyana à la réclusion à perpétuité. Un exemple "à vocation dissuasive", selon M. Ramaphosa.
Inédite dans le pays, la mobilisation suscitée par cette affaire a été dopée par les réseaux sociaux.
"Nous commençons à assister à l'émergence d'une nouvelle génération de militantes qui expriment leur colère par des moyens différents", se réjouit Pumla Gqola, enseignante à l'université du Witwatersrand de Johannesburg.
Même les médias traditionnels se sont emparés du sujet. Depuis ce mois-ci, la télévision publique SABC offre désormais chaque semaine une tribune aux victimes, qui racontent leur expérience sur un "canapé orange", titre de l'émission.
Leurs récits sont souvent brutaux. "Les femmes sont en colère et c'est préoccupant", s'inquiète sous couvert d'anonymat une victime. "Elles racontent leurs histoires, celles de leurs mères (...) elles ont porté cette colère toute leur vie et ça les rend elles aussi violentes", ajoute-t-elle.
Militante féministe à l'université du Cap, Zimasa Mpemnyama espère que le soufflé ne retombera pas.
"Il y a des hauts où tout le monde en parle", note-t-elle, "mais aussi des bas où les gens n'en parlent plus à cause de tous les autres problèmes de notre société".
"Parce que (les violences faites aux femmes) affectent tant de secteurs de notre société, je ne crois pas que le problème puisse retomber dans l'oubli où il était il y a encore seulement cinq ans", veut croire Catherine Burns.
"Ce qu'on voit aujourd'hui en Afrique du Sud, c'est le fruit d'une impatience", renchérit Pumla Gqola.
C'est peut-être un signe, même la douce ivresse qui s'est emparée de l'Afrique du Sud depuis son titre mondial de rugby n'a pas réussi à enterrer la question.
En recevant les Springboks, la présidente du Parlement Thandi Modise a fait des "violences faites aux femmes", au même titre que les "tensions raciales", une des calamités que leur triomphe avait permis d'oublier. Momentanément seulement.