Libye: les forces de Kadhafi accusées d'utiliser des bombes à sous-munitions
AFP
Misrata (Libye) - Les rebelles libyens et l'ONG Human Rights Watch accusent les forces pro-Kadhafi d'utiliser des bombes à sous-munitions interdites à Misrata, grande ville cô tière de l'ouest du pays tenue par les insurgés qu'elles pilonnent intensément depuis quelques jours.
Le bruit de fortes explosions et de rafales de tirs parvenait du centre de la ville, a rapporté un photographe de l'AFP sur place, précisant que des survols de l'Otan avaient précédé les bombardements.
Les échanges à l'arme automatique, aux tirs de mortiers et à l'artillerie s'étaient intensifiés en fin de journée.
Au moins huit personnes ont été tuées vendredi, selon des médecins de Benghazi, fief de la rébellion (est), en contact avec des confrères à Misrata, assiégée depuis près de deux mois. L'hô pital Hikma à Misrata a par ailleurs reçu 5 morts et 31 blessés dans la nuit, a indiqué dans la nuit une source médicale.
La rébellion a dénoncé vendredi l'utilisation par les forces loyalistes de bombes à sous-munitions sur des zones peuplées par des civils à Misrata, des accusations confirmées par l'ONG Human Rights Watch qui a affirmé avoir pu voir de telles bombes sur place. Le régime a aussitô t démenti.
"Human Rights Watch a observé au moins trois bombes à sous-munitions exploser au-dessus du quartier d'El-Shawahda à Misrata la nuit du 14 avril", a précisé l'ONG.
Le New York Times, photos à l'appui, a indiqué que des bombes à fragmentation de 120 mm fabriquées en Espagne en 2007, un an avant que ce pays signe la convention internationale sur les bombes à sous-munitions, avaient été utilisées jeudi par les forces de Kadhafi lors de combats avec la rébellion.
"La Libye doit cesser immédiatement d'utiliser ces armes et mettre tout en oeuvre pour que les civils soient protégés par leurs restes meurtriers", a plaidé HRW.
Les sous-munitions contenues dans les armes à fragmentation sont susceptibles, quand elles n'ont pas immédiatement explosé, de tuer et de mutiler des civils longtemps après l'emploi des bombes.
Tripoli a nié avoir utilisé des bombes à sous-munitions. "Absolument pas. Moralement, légalement, nous ne pouvons pas faire cela à l'encontre de notre population civile", a déclaré Moussa Ibrahim, porte-parole du gouvernement à des journalistes qui l'interrogeaient sur le sujet.
Une convention internationale interdisant les armes à sous-munitions est entrée en vigueur en 2010 mais la Libye fait partie des pays non signataires.
Sur le plan humanitaire, l'Otan et l'UE ont resserré leur coordination en vue d'une opération humanitaire préparée par les Européens à Misrata. Une réunion doit se tenir "dans les semaines à venir".
Dans une tribune commune publiée vendredi dans quatre quotidiens, le Premier ministre britannique David Cameron, le président français Nicolas Sarkozy et le président américain Barack Obama ont estimé "impossible d'imaginer que la Libye ait un avenir avec Kadhafi", jugeant "impensable que quelqu'un qui a voulu massacrer son peuple joue un rô le dans le futur gouvernement libyen".
Le ministre français de la Défense, Gérard Longuet, a estimé qu'avec cette prise de position des trois pays, on était "certainement" en train de sortir de la résolution 1973 de l'ONU sur la Libye, suggérant l'adoption d'une nouvelle résolution pour avaliser le projet de chasser Kadhafi.
Moscou, par la voix de son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, a estimé de nouveau que l'Otan outrepassait le mandat de l'ONU. Il est "important de passer de manière urgente à la phase politique et d'avancer vers un règlement politique et diplomatique" de la crise libyenne.
Mais la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a affirmé que l'intervention militaire internationale avait empêché un nouveau massacre à Benghazi comme celui de Srebrenica en 1995 en Bosnie.
Entre-temps, de hauts-responsables américains et de l'Alliance atlantique ont affirmé que les forces de l'Otan se trouvent à court de bombes de précision et d'autres types de munitions, a rapporté vendredi The Washington Post.
Le journal américain souligne que cette pénurie met en lumière les limites du Royaume-Uni, de la France et des autres pays européens à mener dans la durée une opération militaire relativement modeste. Mais il ne précise pas l'origine de cette pénurie.
L'Otan a repris le 31 mars les rênes des opérations militaires lancées le 19 mars par une coalition internationale dirigée par les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni, qui s'était appuyée sur la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'ONU pour bombarder les troupes du colonel Kadhafi dès lors qu'elles représentaient un danger pour la population.
Les Etats-Unis ont refusé jeudi de revenir en première ligne en Libye, après avoir retiré leurs avions de combat des opérations.
Seuls six des 28 Etats membres de l'Otan participent actuellement aux raids aériens en Libye.