Londres, prise dans la crise, s'inquiète pour ses Jeux
Le Monde.fr/Marc Roche
Le rapport annuel sur les préparatifs des JO de 2012 devait rassurer un pays en proie à la plus grave récession depuis l'après-guerre. Présenté au début du mois de février, le document du Government Olympic Executive, l'agence chargée de l'audit des finances du plus grand projet urbanistique londonien depuis le XVIIe siècle, a eu l'effet inverse : envolée des coûts, bagarres au sommet, assèchement de l'argent privé..., le tableau est sombre.
Ensuite, la crise du crédit a touché de plein fouet les promoteurs immobiliers, qui s'étaient engagés à financer le village olympique et le centre des médias. En retour, ils doivent se rembourser sur la vente des 2 700 logements du village hébergeant athlètes et officiels après les Jeux. Le groupe australien Land Lease n'est toujours pas parvenu à lever les fonds nécessaires auprès des banques.
Vu les difficultés à réduire davantage la taille du village olympique, les pouvoirs publics devront compenser le manque à gagner. Le Comité olympique international a prévenu Londres qu'il est hors de question de sabrer davantage dans les exigences du cahier des charges.
"Bon vieux pragmatisme"
Troisième problème et non des moindres, le ministère de l'intérieur n'est toujours pas parvenu à déterminer l'enveloppe octroyée à la sécurité, au plus grand dam des organisateurs et de la police.
Enfin, la marge de manoeuvre du gouvernement est réduite par la fixation définitive, en mars 2007, du budget des Jeux olympiques à 9,3 milliards de livres (10,52 milliards d'euros), soit trois fois plus que le projet initial présenté dans le dossier de candidature, en 2005.
Alors que la facture des Jeux de Pékin est deux fois plus élevée que leur coût prévisionnel, le gouffre du déficit des finances publiques britanniques empêche tout dépassement. Par ailleurs, la recherche d'économies est pénalisée par l'engagement de Londres de mener à bien la rénovation de la Lea Valley et de la zone déshéritée de Stratford, à l'est de la capitale. L'argument urbanistique avait pesé lourd dans la victoire de Londres sur Paris et Madrid.
Enfin, les différents pouvoirs impliqués dans cette vaste entreprise n'arrêtent pas de se chamailler. Jaloux de leur autonomie, notamment en matière de planning, les quatre bourgs concernés, équivalents des arrondissements, ne cessent de tailler des croupières à l'Etat, faible dans la capitale. En charge des transports, la mairie tenue par les conservateurs, entend faire entendre sa voix face au Trésor et au ministre responsable des JO, eux-mêmes souvent en désaccord. Le torchon brûle entre le comité organisateur, l'ODA et le Government Olympic Executive.
Réticent à l'acte de candidature quand il était ministre des finances de Tony Blair, Gordon Brown considère aujourd'hui les JO comme "créateurs d'emplois et générateurs de croissance" dans un contexte de grave ressac économique. Pour persuader un public plus que jamais hostile, le premier ministre met en avant les 30 000 à 50 000 emplois créés d'ici 2012 dans la construction, un secteur ravagé par la crise.
Professeur à la London School of Economics, Tony Travers rappelle que l'Angleterre a le génie du défi dès que le malheur l'oblige de mouvoir : "Chez nous, tout est toujours compliqué, mais au bout du compte notre bon vieux pragmatisme permet de tout mener à bien et dans les temps."