Louise Portal : Journal de la quête amoureuse
canoe.ca/Benoit Aubin
Imaginez un peu: une femme belle, séduisante, gentille, comédienne et branchée sur tout le beau monde de son temps. En cette époque bénie de la révolution sexuelle, la vie amoureuse devait ressembler au paradis. C’était l’enfer, écrit Louise Portal.
«C’est la quête amoureuse d'une femme qui ne vit jamais ce grand amour auquel elle aspire, mais qui se révèle à elle-même, à travers toutes les rencontres amoureuses qu’elle va faire. Elle découvre qu’elle est une rêveuse, une romantique. »
Le journal intime de Louise Portal n’était pas du type: «Cher journal.» Rien de vraiment explicite. C’est plutôt un long monologue intensément poétique, un long cri du coeur d’une jeune femme intense, romantique, trop belle pour son bien, et qui peine à cerner sa pensée, qui la fuit sans cesse dans des métaphores étonnantes, fleuries, enivrantes, mais souvent hermétiques. «Je voudrais parler de ma vie concrètement, et j’en suis incapable», écrit-elle, avec une candeur quelque peu désolée.
Ce n’était pas les drogues pourtant. «Je ne fumais pas tellement de pot; ça se passait dans ma tête, je l’avoue, dit-elle. Ma vie intérieure est comme ça. J’ai un monde imaginaire qui est extrêmement fort. Dans ces années-là, c’était parfois difficile.»
Narcissique
On y découvre une jeune femme narcissique, qui s’écrit comme devant un miroir, seule, angoissée, éperdue d’un amour qui ne trouve pas son égal. «Je me sens minuscule devant la vie. J’ai la fragilité d’un conte de fées dans un livre de guerre.»
La révolution sexuelle n’a pas vraiment changé l'âme des filles, conclut-elle aujourd'hui. «Nous étions très libres, mais notre coeur était toujours en quête de l'amour. Faire l'amour était une chose, mais la quête amoureuse était sous d'autres cieux.» Elle écrit: «Tant de fois, je me suis laissée déshabiller sans amour…»
Louise Portal est aujourd'hui mariée, heureuse et sereine. «C’est l’écriture qui m'a permis de combler cette faille de mon âme. Écrire a été un geste thérapeutique pour moi.»
Appelez-moi Jeanne…
Si Louise Portal a plusieurs plumes à son chapeau, elle a aussi plusieurs noms pour s’y retrouver.
D’abord, son vrai nom. C’est Louise Lapointe. Portal, c’était le nom de plume de son père, Marcel Portal, un écrivain du Saguenay aujourd'hui un peu oublié (à qui sa fille vouait une grande admiration).
«Portal, dit Louise, c’est mon nom public, le nom de la comédienne. Louise, c'est le nom de la petite fille que j’ai déjà été.»
Mais elle aussi a un nom de plume. Dans ses écrits, depuis Jeanne Janvier, publié en 1980, son héroïne s’appelle Jeanne, et Jeanne, c’est sa Louise secrète et intérieure.
«Je ne fais jamais de plan quand j’écris; je me laisse guider par l’inconscient», dit-elle.
Le côté narcissique qu’elle dévoile dans ses cahiers de jeune femme? «Je l’ai encore. Dans mes romans, je me mets toujours en scène sous le nom de Jeanne.»