Mali: Paris et l'Afrique veulent aller vite, Washington freine
AFP
New York (Nations unies) - La volonté de la France et des Africains d'obtenir rapidement le feu vert de l'ONU à l'intervention d'une force internationale dans le nord du Mali aux mains d'insurgés islamistes se heurte au scepticisme de Washington, qui doute de la capacité de Bamako et de ses voisins à mener à bien l'opération, selon des diplomates.
Washington, explique-t-il, "voudrait deux missions différentes: une pour soutenir l'armée malienne et faciliter le dialogue politique, et une autre pour combattre les groupes terroristes" comme Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), qui ont pris le contrôle du nord du Mali.
Bamako et la Cédéao ont soumis à l'ONU des plans pour une force internationale de 3.300 hommes et demandent au Conseil de sécurité d'autoriser rapidement son déploiement. Le Conseil doit se prononcer sur la base d'une résolution préparée par la France, qui espère son adoption avant Noël.
Pour le secrétaire d'Etat américain adjoint aux affaires africaines Johnnie Carson, qui témoignait mercredi devant une commission du Sénat, les plans de la Cédéao "ne répondent pas à plusieurs question essentielles", dont les "capacités des forces maliennes et internationales de réaliser les objectifs de la mission" et son financement.
Lors de consultations à huis clos mercredi au Conseil, la France et les pays africains, notamment l'Afrique du sud, ont poussé à une adoption rapide de la résolution.
Le texte, qui doit être soumis par Paris à ses 14 partenaires en début de semaine prochaine, autorisera l'envoi à Bamako de la force, baptisée Mission internationale de soutien au Mali (Misma).
Des instructeurs européens s'efforceront de rebâtir l'armée malienne, en piteux état, en prévision d'une reconquête du nord qui ne pourra pas commencer avant l'automne 2013, selon le patron des opérations de maintien de la paix Hervé Ladsous.
"Poker"
Parallèlement, la résolution appellera à un dialogue national à Bamako et à une réconciliation entre le gouvernement malien et les touaregs sécessionnistes du Nord.
Washington traite cette crise comme "un problème de terrorisme", déplore un diplomate qui souligne cependant que tout le monde s'accorde sur la menace que fait peser la présence au Nord-Mali de groupes comme Aqmi.
Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a publié de son côté un rapport où il souligne abondamment les risques de l'opération, notamment en termes de violations des droits de l'homme, ce qui a refroidi les ardeurs guerrières et fortement irrité les Africains.
Dans ces conditions, les tractations autour de la résolution risquent d'être ardues même si, souligne un diplomate occidental, il n'y a "pas d'objection fondamentale à l'approche française, en dehors des Etats-Unis".
Au final, affirme un autre diplomate, "il y aura une résolution autorisant la force mais ça va être compliqué". "C'est un jeu de poker, les Américains ne vont pas mettre leur veto", ajoute-t-il.
Les autres Européens du Conseil, Royaume uni et Allemagne, sont en faveur de l'autorisation, avec des précautions comme une priorité donnée à la réconciliation politique sur le volet militaire, et Russie et Chine ne devraient pas s'y opposer.
Des questions se posent cependant sur le passage de la phase d'entraînement à la reconquête du nord, ou sur le financement d'une opération qui devrait coûter au moins 200 millions d'euros. Paris a demandé au secrétariat général de l'ONU d'estimer une éventuelle aide logistique de l'ONU à l'opération, qui serait aussi financée par l'Union européenne, les Etats-Unis et la France.