Mali: un véhicule explose près d'un camp français à Kidal, combats à Gao
AFP
Gao - La phase de "sécurisation" du nord-est du Mali, où sont retranchés des islamistes armés liés à Al-Qaïda, paraissait jeudi loin d'être terminée, comme en témoignent l'explosion d'un véhicule près d'un camp militaire français et tchadien à Kidal et des combats à Gao.
Selon un fonctionnaire de Kidal, l'explosion a eu lieu "à moins d'un kilomètre du camp occupé par les Tchadiens et les Français". "Le chauffeur du véhicule a été tué sur le coup", a déclaré l'élu.
Il s'agissait d'un "attentat" planifié par le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), a affirmé jeudi soir à l'AFP ce groupe islamiste armé qui a occupé pendant plus de neuf mois de grandes villes du Nord malien, dont Gao (au sud de Kidal et à 1.200 km de Bamako).
"Nous sommes arrivés à rentrer sans aucun problème à l'intérieur de Kidal même pour faire exploser comme prévu un véhicule. (...) D'autres explosions auront lieu sur tout notre territoire", a dit sans plus de détails le porte-parole du Mujao, Abu Walid Sahraoui.
Les forces françaises avaient repris fin janvier le contrôle de l'aéroport de Kidal, ancien bastion islamiste, et quelque 1.800 soldats tchadiens sont arrivés depuis pour sécuriser la ville, où étaient déjà présents des islamistes se disant "modérés" et des hommes se réclamant du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA, rébellion touareg).
A Paris, l'état-major de l'armée française, interrogé jeudi sur une éventuelle collaboration au Mali avec le MNLA, a déclaré "se coordonner" effectivement avec "les groupes qui ont les mêmes objectifs" que les Français.
Au nord de Kidal se trouve le massif des Ifoghas, où sont retranchés des combattants islamistes puissamment armés, que les soldats français traquent depuis plusieurs semaines, par des opérations aériennes et terrestres.
Un soldat français a été tué mardi lors d'un violent accrochage dans les Ifoghas, au cours duquel une vingtaine d'islamistes ont également trouvé la mort. Une cérémonie en son honneur s'est tenue jeudi à l'aéroport de Bamako avant le rapatriement de sa dépouille, a constaté un photographe de l'AFP.
Aller "jusqu'au bout"
A Gao, des combats, entamés dans la nuit de mercredi à jeudi à la périphérie de la ville entre des islamistes armés et des soldats nigériens, se sont poursuivis jeudi en centre-ville avec des soldats maliens, appuyés par l'armée française qui a fait notamment intervenir deux hélicoptères Gazelle, selon une source militaire.
Les combats avec les Nigériens qui ont eu lieu aux entrées nord et sud de la ville, selon une source militaire malienne qui a parlé "d'une quarantaine d'islamistes" venus de villages proches de Gao.
Dans le centre-ville, les combats ont pris fin dans l'après-midi. Ils ont eu lieu près de la mairie et du palais de justice où se trouvaient retranchés des islamistes en armes, selon une source militaire française qui a précisé qu'un homme portant une ceinture d'explosifs avait été maîtrisé.
"Le bilan provisoire (jeudi) à 16h00 (locales et GMT) est de quatre morts au niveau du palais de justice et de deux jihadistes capturés. (...) Côté amis, nous avons enregistré cinq blessés", a déclaré sur la télévision publique malienne ORTM le capitaine Modibo Naman Traoré, un des responsables de la communication de l'armée malienne.
En visite à Bruxelles, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a de son côté indiqué que des jihadistes ayant brièvement occupé deux bâtiments officiels à Gao avaient été délogés par des soldas maliens et français. Cinq islamistes armés ont été tués dans les combats, selon lui.
Le Mujao a affirmé à l'AFP avoir envoyé des hommes dans cette ville, sans en préciser le nombre, en assurant que "la bataille" ne faisait que commencer pour reconquérir le vaste Nord malien, en majorité désertique, incluant la mythique cité de Tombouctou (nord-ouest).
Gao a été reprise au Mujao le 26 janvier par les soldats français et maliens. Les 8 et 9 février, elle a été le théâtre des deux premiers attentats-suicides de l'histoire du Mali, commis par deux kamikazes morts en se faisant exploser contre un poste de contrôle de l'armée malienne.
De violents combats y ont opposé dans le centre-ville des soldats français et maliens et combattants jihadistes, faisant au moins cinq morts et 17 blessés.
Mardi, le président français François Hollande avait déclaré que l'opération Serval, lancée par l'armée française le 11 janvier pour prévenir une avancée vers le Sud et Bamako des islamistes armés qui occupaient le Nord, entrait dans sa "dernière phase". Il s'agit, avait-il dit, d'aller "jusqu'au bout, c'est-à-dire l'arrestation des derniers chefs ou groupes terroristes" demeurant dans l'extrême Nord.
Selon des témoins et ONG de défense des droits de l'Homme, les opérations miliaires se sont accompagnées d'exactions de la part de soldats maliens contre des personnes accusées d'avoir collaboré avec les islamistes.
Human Rights Watch a appelé jeudi le gouvernement malien à "poursuivre" ces soldats présumés auteurs d'atrocités, qui ont été dénoncées par des dizaines d'Arabes maliens lors d'une manifestation à Nouakchott, capitale de la Mauritanie voisine.