Michèle Alliot-Marie demande un appel dans le procès Halimi

Yves Clarisse

La ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, annonce avoir demandé un appel dans le procès de l'assassinat en 2006 du jeune juif Ilan Halimi, dont le verdict est jugé trop clément par sa famille.

Michèle Alliot-Marie demande un appel dans le procès Halimi
Des organisations juives, dont le Crif, appellent à manifester lundi soir pour réclamer un nouveau procès et protester contre les peines prononcées à l'encontre de certains complices du principal accusé Youssouf Fofana, qui a été condamné à la peine maximale, la réclusion à perpétuité.

"Ce matin, j'ai demandé au procureur général près la cour d'appel de Paris de faire appel des condamnations inférieures aux réquisitions de l'avocat général", a déclaré Michèle Alliot-Marie à la sortie du conseil des ministres.

La jeune fille qui a servi d'"appât" pour attirer Ilan Halimi dans un guet-apens a été condamnée à neuf ans de prison et a bénéficié de l'excuse de minorité alors que le parquet demandait entre 10 et 12 ans de prison.

Les lieutenants de Youssouf Fofana, Samir Ait Abdelmalek et Jean-Christophe Sombou, ont respectivement été condamnés à 15 et 18 ans de réclusion alors que 20 ans étaient requis.

Michèle Alliot-Marie contredit ainsi l'avocat général Philippe Bilger, qui a défendu le verdict dès samedi dans un entretien à Reuters en le jugeant "exemplaire", même si ses réquisitions n'ont pas été suivies à la lettre par les magistrats et le jury populaire.

"En fait, je ne vois pas en quoi la peine est exemplaire", a déclaré lundi sur Europe 1 la mère du jeune homme assassiné, Ruth Halimi.

"L'avocat général Bilger a dit qu'il y avait deux sortes d'antisémitisme - un antisémitisme violent et un antisémitisme de base, banal. Or un antisémitisme est par définition toujours violent", a-t-elle souligné.

L'AVOCAT GÉNÉRAL PERSISTE

Philippe Bilger a persisté lundi dans son appréciation du verdict de la cour d'assises de Paris.

"Bien sûr, je suis écartelé entre le respect que je dois à cette famille dont la tenue a été exemplaire et le fait que judiciairement elle me semble un petit peu égarée par sa douleur", a-t-il dit sur France Inter.

"Je persiste : il y a une hiérarchie des responsabilités. Un travail fabuleux de la cour d'assises, de la présidence et du jury de la cour d'assises mérite autre chose que les polémiques qui se développent depuis vendredi soir."

Pour le ministre chargé de la mise en oeuvre du Plan de relance, Patrick Devedjian, "faire la distinction" entre deux sortes d'antisémitisme est "très abusif".

Le ministre, qui est avocat de profession, a lui aussi jugé que certaines peines étaient indulgentes.

"La jeune fille par exemple qui a servi d'appât a bénéficié de beaucoup d'indulgence. C'est la jeune fille et la mort, c'est elle qui l'amène", a-t-il dit.

Enlevé le 20 janvier 2006 à Sceaux (Hauts-de-Seine), où il avait été attiré dans un guet-apens, Ilan Halimi a été détenu nu, aveuglé et entravé durant 24 jours dans un logement puis une cave d'un immeuble. Il a été maltraité.

UN PROCÈS PUBLIC ?

Après de vaines négociations pour une rançon avec sa famille, qui avait prévenu la police, il a été tondu, poignardé et brûlé à l'essence, puis laissé pour mort près d'une gare RER. Il est mort lors de son transport à l'hôpital. L'affaire avait bouleversé le pays et suscité une grande manifestation à Paris.

Après deux mois et demi de procès, la réclusion à perpétuité assortie d'une période de sûreté incompressible de 22 ans, la plus forte peine prévue par la loi, a été prononcée contre Youssouf Fofana, 28 ans, chef du groupe qu'il appelait le "gang des barbares" de Bagneux (Hauts-de-Seine).

L'homme a multiplié les provocations antisémites au fil du procès. Pour ses complices, de très jeunes gens pour la plupart, qui ne se voyaient reprocher ni le mobile antisémite ni l'intention de tuer, la cour a été plus modérée.

Le Bureau national de vigilance contre l'antisémitisme (BNVCA) a appelé à manifester lundi soir place Vendôme à Paris, non loin du ministère de la Justice, pour réclamer un appel du parquet général, avant l'annonce de Michèle Alliot-Marie.

Le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) l'avait exhortée à agir de la sorte.

Evoquant le "verdict prononcé par un jury populaire souverain", il dit souhaiter, s'il y a appel, que l'éventuel second procès soit public, et non à huis clos comme le premier.

L'Union des étudiants juifs de France (UEJF) s'est dite également choquée par le verdict, jugeant que tout avait été mis en oeuvre pour "éviter de tirer les leçons" d'un meurtre antisémite en imposant le huis clos.


Commentaires (0)
Nouveau commentaire :