Mikhaïl Khodorkovski condamné à 14 ans de prison
AFP
Moscou - L'ancien oligarque russe Mikhaïl Khodorkovski a été condamné jeudi à 14 ans de prison pour vol de pétrole et blanchiment d'argent, au terme d'un procès considéré par les observateurs comme une vengeance de Vladimir Poutine.
L'ancien patron du groupe pétrolier Ioukos avait été déclaré lundi coupable de détournement de fonds et de blanchiment d'argent, à l'occasion de son second procès. Son ancien associé Platon Lebedev, lui aussi déclaré coupable, a été condamné à la même peine.
"On ne peut pas compter sur les tribunaux pour se protéger des responsables du gouvernement en Russie", a réagi à l'issue de la séance Mikhaïl Khodorkovski, dans une déclaration lue devant le tribunal par son avocat Vadim Klyuvgant.
Ludmilla Alexeïeva, présidente du Groupe Moscou Helsinki, une organisation de défense des droits de l'homme, a dénoncé un verdict "très cruel et absurde". Il confirme "le fait bien connu que la Russie n'a pas de tribunaux indépendants. Un tribunal indépendant aurait acquitté les accusés et puni ceux qui ont fabriqué les charges", a-t-elle déclaré.
Il y a moins d'un mois, le Premier ministre russe Vladimir Poutine, président à l'époque du premier procès de l'oligarque, avait estimé que Khodorkovski était un criminel qui devait rester en prison.
Vladimir Poutine n'a pas exclu de briguer à nouveau la présidence en 2012 après avoir cédé les commandes à son dauphin Dimitri Medvedev le temps d'un mandat. Il est donc soupçonné de vouloir maintenir derrière les barreaux jusqu'à après l'élection le patron du groupe pétrolier Ioukos, aujourd'hui démantelé.
Khodorkovski, 47 ans, arrivait en effet au terme de sa peine de huit années de prison pour fraudes et évasion fiscale, et était dans ce cadre libérable en 2011. Cette condamnation avait été largement considérée comme une vengeance, l'oligarque étant puni pour avoir osé défier le pouvoir économique et politique du Kremlin de Poutine, et notamment pour avoir financé des partis d'opposition.
Aujourd'hui, sa nouvelle condamnation pour détournement et blanchiment de près de 27 milliards de dollars (20,4 milliards d'euros) entre 1998 et 2003 devrait lui valoir de rester en prison jusqu'en 2017 au moins.
Le Parquet russe a accusé Khodorkovski et Lebedev d'avoir détourné le pétrole produit par plusieurs filiales de Ioukos pour le vendre au prix fort à l'étranger. La défense a qualifié de ridicules ces accusations. Et de nombreux témoins, y compris des responsables du gouvernement, ont répété pendant les 20 mois du procès que ces accusations étaient absurdes, et techniquement impossibles.
"La décision du tribunal n'a rien à voir avec le droit et la justice. C'est une vendetta personnelle de Poutine", a estimé Boris Nemtsov, ancien vice-premier ministre passé aujourd'hui dans l'opposition.
Les avocats de la défense ont annoncé leur intention de faire appel, procédure qui devrait durer des mois. Mikhaïl Khodorkovski et Platon Lebedev resteront en attendant incarcérés à Moscou. Après le premier procès, Khodorkovski avait été envoyé dans une colonie pénitentiaire en Sibérie orientale, près de la frontière chinoise à plusieurs milliers de kilomètres de Moscou.
Le verdict contre Khodorkovski a rapidement été critiqué aux Etats-Unis et en Europe.
"Nous demeurons préoccupés par les accusations de graves violations de processus et par ce qui semble être un usage abusif du système judiciaire à des fins incorrectes", a déclaré le porte-parole du département d'Etat Mark Toner. "Il demeure l'impression que des motifs politiques ont joué un rô le dans cette procédure", a pour sa part réagi la chancelière allemande Anglea Merkel.
"Les procès de Mikhaïl Khodorkovski représentaient une mise à l'épreuve de la manière dont sont traités l'Etat de droit et les droits de l'Homme dans la Russie d'aujourd'hui", a de son cô té affirmé le président du Parlement européen Jerzy Buzek. "Dans les faits, c'est devenu le symbole emblématique de tous les problèmes du système judiciaire".
Mardi, le ministère russe des Affaires étrangères avait qualifié mardi d'"inacceptables" les premiers commentaires en Occident après la nouvelle condamnation de l'ancien oligarque.