Mode africaine à Paris

BBCAfrique.com/Véronique Mistiaen

Façonner l’Afrique pour les défilés parisiens ? Dans le monde glamour et exclusif de la haute couture française, Sakina M’Sa est une célébrité au parcours improbable.

Mode africaine à Paris
A l’image de ses créations, Sakina M’Sa est le mélange de différentes influences: un petit bout de femme originaire des Comores, une immigrée venant d’une banlieue populaire de Marseille, et une styliste qui a suivi ses propres rêves et qui a apporté au monde de la mode sa conscience sociale.
“Ma seule force dans la vie est ma différence”, déclare Sakina M’Sa, assise tout de noir vêtue dans son atelier qui lui sert également de salle d’exposition à La Goutte d’Or, un quartier populaire de Paris habité par de nombreux Africains.
“Cela pourrait être ma faiblesse, mais je m’en sers à mon avantage. J’en tire ma liberté d’inventer mes propres techniques et de marquer ma différence, ma singularité”.
Racines africaines
Libre et provocante, Sakina M’Sa a façonné à son image une profession pour qu’elle aille de pair avec son identité hybride.
En tant “qu’artiste de mode”, elle construit des ponts entre les différentes techniques artistiques, cultures, influences et générations.
Son travail est en effet empreint de poésie, de peinture, de théâtre et de cinéma, tout autant que de ses racines africaines et de souvenirs plus lointains, “toutes les choses que j’aime et qui me touchent”.
Et c’est une formule qui fonctionne. Les gens se précipitent à ses défilés de mode.
Non seulement son travail a attiré l’attention du philosophe Jean Baudrillard, mais aussi celle de la célèbre chaîne de magasins Les Galeries Lafayette.
Les acheteurs sont venus d’aussi loin que la Russie, le Japon et le Moyen-Orient.
Depuis le sous-sol de son atelier de La Goutte d’Or, Sakina M’Sa developpe ses créations autour des thèmes de l’identité, de la mémoire, de la Terre et des racines, mélangeant cultures et influences.
Ses couleurs sont habituellement sobres, et la styliste utilise des matières premières ou recyclées.
Ses défilés mettent en scène des “femmes de tous les jours” : jeunes, petites, grandes, enrobées ou fines.
Sakina M’Sa assure qu’elle veut que ses créations soient le reflet “de la singularité, de la différence et de la beauté de toutes ces femmes, parce que dans la rue vous ne voyez pas que des top modèles, et c’est très bien ainsi”.
“La mode, ce n’est pas qu’à propos de la longueur des jupes de Claudia Schiffer. Les vêtements ne sont pas là que pour l’apparence; ils véhiculent également un message, ils sont pleins de symboles, ils racontent une histoire”.
Cette vision de son métier explique ses incursions régulières dans des marchés aux puces à la recherche de vieilles robes.
“Je pense à la personne qui a porté cette robe. Elle n’est plus ici, mais la robe conserve sa trace”.
Quand elle est retournée dans son village aux Comores en 2000, la première chose qu’elle a fait a été de se précipiter sur la malle où sa grand-mère gardait ses habits.
“Je voulais voir ses habits et sa marque sur eux” se rappele-t-elle. “Elle les portait serrés à la taille avec d’amples jupes et de larges poches pour y garder son tabac”.
Malheureusement, il n’y avait plus rien.
Inspiration
Sakina M’Sa voyage régulièrement en Afrique pour animer des ateliers de travail. Elle a récemment travaillé sur un projet de défilé en République Démocratique du Congo.
"L’Afrique est une source d’inspiration importante pour les stylistes occidentaux”, souligne-t-elle.
“Les stylistes africains sont tellement créatifs et inventifs et tellement proche du style contemporain”.
Le conseil qu’elle leur adresse est de viser haut et de ne pas se laisser stéréotyper comme des stylistes “africains”.
“Parlons de mode, et non pas de mode africaine. Un styliste africain ne crée pas uniquement des boubous, un styliste japonais pas uniquement des kimonos, et un styliste français pas uniquement des bérets”.
Après tout, la mission d’un styliste est de créer des vêtements qui peuvent être portés par tous.


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