"Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur", monument littéraire revisité pour l'ère Trump
AFP
New York - Classique de la littérature américaine et lecture obligatoire pour les écoliers, "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur", le roman de Harper Lee sur la ségrégation raciale dans le Sud américain, fait maintenant aussi un carton à Broadway, dans une adaptation qui résonne avec l'ère Trump.
La nouvelle adaptation de ce best-seller, à la fois roman d'apprentissage autobiographique et chronique de la vie d'une petite ville de l'Alabama en 1934, est signée Aaron Sorkin. Cet auteur vedette de télévision et de cinéma est à l'origine de séries télévisées à succès comme "A la Maison Blanche" ("The West Wing") ou du scénario du film oscarisé "The Social Network".
À en croire les critiques unanimes depuis la première à Broadway jeudi dernier, Sorkin, qui n'avait plus écrit pour le théâtre depuis 11 ans, a réussi son pari.
Et le public suit, accourant voir la mise en scène de Bartlett Sher, vainqueur en 2016 du "Tony" de la meilleure pièce de Broadway pour "Oslo", sur les pourparlers israélo-palestiniens. Les représentations sont prévues à New York jusqu'en septembre.
Les premières ont été accueillies dans l'enthousiasme, et le théâtre Shubert, fort de 1.400 places, affiche complet pour plusieurs mois.
Dans une tribune publiée dans le magazine New York, Sorkin a expliqué la difficulté qu'il a éprouvée à écrire cette adaptation, "une mission suicide" selon lui, tant le texte occupe "une place sacrée" dans la littérature américaine.
"Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur" était d'autant plus délicat à réinventer qu'il a été adapté dès 1962 au cinéma, avec Gregory Peck récompensé de l'Oscar du meilleur acteur pour son interprétation devenue culte d'Atticus Finch. Ce personage, père veuf de la jeune narratrice et avocat commis d'office à la défense d'un Noir, est accusé à tort d'avoir violé une jeune Blanche.
Le premier jet de Sorkin, très fidèle au livre, était "horrible", de l'aveu même de l'écrivain. Comme "un album reprenant les plus grands succès d'une vedette, joués par un orchestre de second rang", reconnaît-il.
Alors Sorkin est reparti de zéro et a tout chamboulé, au risque de se fâcher avec les héritiers de Harper Lee, morte en 2016. Ceux-ci ont attaqué en justice les auteurs de l'adaptation, avant de conclure un accord à l'amiable.
Alors que le procès de Tom Robinson, père de famille noir injustement accusé de viol lui aussi, n'arrivait que tard dans le roman, c'est devenu le fil conducteur de la pièce, ce qui donne à ce personnage une épaisseur nouvelle.
Et Sorking en a profité pour remettre en question la vision optimiste du monde présentée par Atticus Finch, interprété à Broadway par un acteur fétiche de Sorkin, Jeff Daniels (vu dans les séries "The Looming Tower" ou "The Newsroom").
Atticus répète en effet volontiers à ses enfants qu'on ne peut pas juger les gens sans se mettre à leur place, et qu'il y a "du bon" chez tout le monde. Y compris chez les suprémacistes blancs qui veulent lâcher Robinson. Or ces suprémacistes sont revenus sur la scène politique américaine avec les violences de Charlottesville en août 2017, et l'augmentation des crimes racistes et antisémites.
Dans la pièce, cette vision est très contestée, notamment par la gouvernante noire des enfants, Calpurnia.
Personnage discret dans le roman, elle prend sur les planches une importance inédite, en exposant crûment à son très (trop) magnanime patron les souffrances et injustices imposées par la ségrégation.
Atticus est prévenu: "Quand l'horreur vient dîner, elle vient habillée exactement comme un chrétien", s'entend-il dire, sous les applaudissements redoublés d'un public qui salue la référence à la montée actuelle d'une extrême droite fondamentaliste.
Pour l'acteur Gbenga Akinnagbe, qui interprète Tom Robinson, la pièce est plus pertinente que jamais.
"Les changements dont nous avons besoin en tant que nation sont encore loin", a-t-il indiqué à l'AFP. "Des histoires comme ça arrivent chaque jour dans ce pays: des gens sont injustement accusés, surtout quand ce sont des gens de couleur".
Au-delà des extrémismes et du racisme, la pièce trouve un autre écho, plus inattendu, avec l'actualité américaine. Lorsque la jeune Blanche, visiblement torturée, accuse à la barre Tom Robinson de l'avoir violée, alors que c'est en fait son père qui abuse d'elle, on ne peut s'empêcher de penser au mouvement #MeToo, qui a vu des centaines de femmes accuser des hommes d'agressions sexuelles, dont certains se sont dits injustement condamnés, sans recours en justice possible.
À en croire les critiques unanimes depuis la première à Broadway jeudi dernier, Sorkin, qui n'avait plus écrit pour le théâtre depuis 11 ans, a réussi son pari.
Et le public suit, accourant voir la mise en scène de Bartlett Sher, vainqueur en 2016 du "Tony" de la meilleure pièce de Broadway pour "Oslo", sur les pourparlers israélo-palestiniens. Les représentations sont prévues à New York jusqu'en septembre.
Les premières ont été accueillies dans l'enthousiasme, et le théâtre Shubert, fort de 1.400 places, affiche complet pour plusieurs mois.
Dans une tribune publiée dans le magazine New York, Sorkin a expliqué la difficulté qu'il a éprouvée à écrire cette adaptation, "une mission suicide" selon lui, tant le texte occupe "une place sacrée" dans la littérature américaine.
"Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur" était d'autant plus délicat à réinventer qu'il a été adapté dès 1962 au cinéma, avec Gregory Peck récompensé de l'Oscar du meilleur acteur pour son interprétation devenue culte d'Atticus Finch. Ce personage, père veuf de la jeune narratrice et avocat commis d'office à la défense d'un Noir, est accusé à tort d'avoir violé une jeune Blanche.
Le premier jet de Sorkin, très fidèle au livre, était "horrible", de l'aveu même de l'écrivain. Comme "un album reprenant les plus grands succès d'une vedette, joués par un orchestre de second rang", reconnaît-il.
Alors Sorkin est reparti de zéro et a tout chamboulé, au risque de se fâcher avec les héritiers de Harper Lee, morte en 2016. Ceux-ci ont attaqué en justice les auteurs de l'adaptation, avant de conclure un accord à l'amiable.
Alors que le procès de Tom Robinson, père de famille noir injustement accusé de viol lui aussi, n'arrivait que tard dans le roman, c'est devenu le fil conducteur de la pièce, ce qui donne à ce personnage une épaisseur nouvelle.
Et Sorking en a profité pour remettre en question la vision optimiste du monde présentée par Atticus Finch, interprété à Broadway par un acteur fétiche de Sorkin, Jeff Daniels (vu dans les séries "The Looming Tower" ou "The Newsroom").
Atticus répète en effet volontiers à ses enfants qu'on ne peut pas juger les gens sans se mettre à leur place, et qu'il y a "du bon" chez tout le monde. Y compris chez les suprémacistes blancs qui veulent lâcher Robinson. Or ces suprémacistes sont revenus sur la scène politique américaine avec les violences de Charlottesville en août 2017, et l'augmentation des crimes racistes et antisémites.
Dans la pièce, cette vision est très contestée, notamment par la gouvernante noire des enfants, Calpurnia.
Personnage discret dans le roman, elle prend sur les planches une importance inédite, en exposant crûment à son très (trop) magnanime patron les souffrances et injustices imposées par la ségrégation.
Atticus est prévenu: "Quand l'horreur vient dîner, elle vient habillée exactement comme un chrétien", s'entend-il dire, sous les applaudissements redoublés d'un public qui salue la référence à la montée actuelle d'une extrême droite fondamentaliste.
Pour l'acteur Gbenga Akinnagbe, qui interprète Tom Robinson, la pièce est plus pertinente que jamais.
"Les changements dont nous avons besoin en tant que nation sont encore loin", a-t-il indiqué à l'AFP. "Des histoires comme ça arrivent chaque jour dans ce pays: des gens sont injustement accusés, surtout quand ce sont des gens de couleur".
Au-delà des extrémismes et du racisme, la pièce trouve un autre écho, plus inattendu, avec l'actualité américaine. Lorsque la jeune Blanche, visiblement torturée, accuse à la barre Tom Robinson de l'avoir violée, alors que c'est en fait son père qui abuse d'elle, on ne peut s'empêcher de penser au mouvement #MeToo, qui a vu des centaines de femmes accuser des hommes d'agressions sexuelles, dont certains se sont dits injustement condamnés, sans recours en justice possible.