Omar el-Béchir promet de "donner une leçon" au Soudan du Sud
AFP
Khartoum - Le président soudanais Omar el-Béchir a promis jeudi de "donner une leçon par la force" au Soudan du Sud, qui a pour sa part assuré ne pas souhaiter la guerre redoutée par la communauté internationale, sans pour autant retirer ses troupes de la zone pétrolière contestée de Heglig.
Omar el-Béchir
"Je peux dire avec confiance que quasiment tous ceux à qui j'ai parlé ont dit: +Ecoutez, nous ne voulons pas d'une guerre totale+", a-t-il déclaré, estimant qu'en dépit de leurs "approches différentes", Khartoum et Juba cherchaient "une porte de sortie".
Devant des centaines de miliciens déchaînés, M. Béchir a pourtant dénoncé jeudi l'inaction des Etats-Unis et de l'ONU depuis que l'armée sud-soudanaise a pris le 10 avril le contrô le de la zone frontalière de Heglig, principal champ pétrolier soudanais.
"L'Amérique ne va pas leur imposer des sanctions, et le Conseil de sécurité non plus, mais le peuple soudanais va les punir", a lancé M. Béchir. "Nous leur donnerons une leçon par la force (...). Heglig n'est pas la fin. C'est le début", a-t-il ajouté.
Mercredi, M. Béchir avait déjà promis de renverser le gouvernement sud-soudanais, dirigé depuis la sécession en juillet 2011 par les anciens rebelles du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), le qualifiant d'"insecte" nuisible.
Face à cette surenchère verbale, Juba a semblé chercher à calmer le jeu, appelant mercredi à une reprise des négociations sous l'égide de l'Union africaine (UA), et assurant jeudi ne pas être "en état de guerre" avec le Soudan, "une nation voisine et amie" selon les termes du ministre sud-soudanais de l'Information, Barnaba Marial Benjamin.
En revanche, le Soudan du Sud refuse toujours de retirer ses troupes de Heglig, qu'il revendique comme faisant partie de son territoire même si la zone est considérée comme soudanaise par la communauté internationale.
Après une guerre civile dévastatrice (1983-2005, 2 millions de morts) qui a abouti à la partition, les deux Soudans ne parviennent pas à s'entendre sur les questions encore en suspens, au premier rang desquelles le tracé de la frontière et le partage des revenus pétroliers.
L'escalade verbale s'est accompagnée depuis fin mars de violents accrochages, essentiellement dans la zone de Heglig, ainsi que de bombardements de l'aviation soudanaise sur le territoire sud-soudanais.
Aucune des deux armées n'a fourni de bilan des combats en cours, mais un journaliste de l'AFP qui s'est rendu autour de Heglig y a vu des cadavres jonchant le sol, des carcasses de chars détruits et des soldats sud-soudanais retranchés derrière leurs positions.
Jeudi, l'armée sud-soudanaise a affirmé avoir encore repoussé plusieurs attaques au sol, et évoqué un élargissement de la zone des combats. Après avoir répété la semaine dernière que la reconquête de Heglig n'était qu'une question d'heure, l'armée soudanaise ne fournit pour sa part plus d'indication.
Dans le même temps, le Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM), le plus militarisé des groupes rebelles du Darfour (ouest du Soudan), a annoncé avoir pris deux postes militaires soudanais à une quarantaine de kilomètres au nord de Heglig.
L'année dernière, le JEM et plusieurs mouvements du Darfour avaient créé un front commun avec des rebelles des Etats soudanais du Kordofan-Sud (où se trouve Heglig) et du Nil Bleu, pour renverser le régime de Khartoum. Mais le JEM a démenti combattre au cô té de l'armée sud-soudanaise.
Mardi, le Conseil de sécurité de l'ONU a évoqué l'éventualité de sanctions contre le Soudan et le Soudan du Sud pour les convaincre de sortir de leur "logique de guerre". L'ONU, l'UA, les Etats-Unis et l'Union européenne exigent depuis plus d'une semaine le retrait des troupes sud-soudanaises de Heglig et la fin des raids de l'aviation soudanaise au Soudan du Sud.
La Chine, un allié de longue date de Khartoum mais qui n'a pas pris parti entre les deux pays, s'est dite inquiète jeudi, réitérant ses appels au calme. Le président sud-soudanais Salva Kiir est attendu la semaine prochaine à Pékin.