On refait l’Histoire

La mémoire du football marocain a toujours été intrinsèquement liée à la monarchie.

Hicham Bennani

«Le Wydad est une équipe nationaliste, vous êtes le symbole de la Nation et vous ne pouvez pas partir», aurait lancé le prince Moulay Hassan dans les années 1950 aux trois joueurs légendaires du Wydad Driss Joumad, Chtouki et Abdeslam.

On refait l’Histoire
La triplette du WAC avait été approchée par l’Atletico de Madrid. Abdeslam, qui avait des problèmes de santé était pris en charge par Mohammed V. L’intérêt de la monarchie pour le football prenait déjà de l’importance à l’époque. Huit ans plus tard, le prince héritier voulait mettre en place une locomotive qui serve d’exemple au football marocain en créant l’équipe des Forces armées royales.

Un club estampillé du cachet makhzenien. En ces temps anciens, l’équipe du FUS de Rabat était présidée par le prince Moulay Abdallah, ce qui provoquait de véritables rivalités footballistiques entre les deux Alaouites. Mais la première véritable offrande footballistique offerte au peuple marocain par un souverain est sans doute la Coupe Mohammed V qui a duré de 1960 à 1979.

Il n’y avait pratiquement aucun match toute l’année à la télévision. Durant cette compétition, le vainqueur du championnat disputait des rencontres contre de grands clubs légendaires d’Europe à Casablanca comme le Real Madrid, l’Inter de Milan, Saint-Etienne et le Bayern de Munich où évoluait un certain Beckenbauer. Le tournoi se déroulait chaque année durant le dernier week-end du mois d’août.

«Nous n’étions pas seuls»
Le premier vrai geste royal qui ait marqué l’histoire du royaume et du football international date de 1961. La FIFA avait alors décidé d’octroyer une demi-place à l’Afrique pour la Coupe du monde. Ce qui veut dire que le Maroc avait dû disputer un match de barrage contre une équipe européenne (en l’occurrence l’Espagne) pour se qualifier. Après deux défaites héroïques en matchs aller et retour, les Lions de l’Atlas ont été éliminés.

Sur initiative royale, le Maroc a donc décidé d’écrire à la FIFA pour demander une place à part entière à l’Afrique en Coupe du monde. Et en 1966, l’Afrique a boycotté le Mondial, refusant même de disputer les éliminatoires. Quatre ans plus tard, l’équipe nationale se qualifie à cette prestigieuse compétition au Mexique. 3 juin 1970, «Al Mountakhab» mène 1 à 0 contre l’Allemagne.

Le chanteur marocain Ahmed El Bidaoui, qui regardait le match avec Hassan II, téléphone alors à la RTM qui couvre l’événement pour transmettre un message du roi : «Si le score reste ainsi, ne fermez pas l’antenne, il viendra peut-être faire une allocution et annoncer un jour férié», se remémore le journaliste sportif Najib Salmi qui était présent. Le Maroc a finalement perdu, mais avec les honneurs.

En 1983, l’équipe arrive en finale des Jeux méditerranéens. Hassan II convoque les joueurs dans son palais de Skhirat afin de les encourager. Ils remportent l’épreuve. Et ce n’est qu’en 1986 que les Lions de l’Atlas reviennent en Coupe du monde, encore une fois à Mexico. «Hassan II nous suivait de très près et voulait savoir ce qu’on faisait, il regardait le match, nous appelait au téléphone. Il nous avait à l’œil parce qu’il aimait cette équipe nationale.

Nous n’étions pas seuls», déclare Merry Krimau, auteur d’un but historique lors de ce mondial. Et d’ajouter : «On a effectué une tournée de trois mois au Mexique. On était choyés, on n’avait besoin de rien. On a fait un petit tour à New York grâce au roi. On est sensibles à ces gestes-là. C’était trop fort».

Hassan II accorde même au légendaire gardien de but Baddou Zaki le «privilège» de donner à sa fille le prénom de la princesse Lalla Soukaïna.

Un père spirituel
En 1994, Abdelkhalek Louzani, entraîneur de l’époque, après avoir écarté trois joueurs de la sélection, reçoit un appel du monarque. «Hassan II m’a téléphoné et je lui ai expliqué le problème de l’éviction des joueurs qui sont venus dans un état d’ébriété. Il m’a dit qu’il avait eu d’autres versions. Mes relations avec le président de la Fédération étaient très tendues», témoigne Louzani au Journal Hebdomadaire. Son remplaçant, Abdellah Blinda, aura la particularité d’être plus proche du roi.

Lors d’une entrevue au palais royal, Hassan II lui propose de placer de grandes minerves au cou des joueurs. Aussitôt dit, aussitôt fait. «C’était très intelligent de sa part, pour ne pas que les joueurs regardent en bas car il y a beaucoup de joueurs qui ont la tête baissée. C’est une méthode géniale», vérifie Blinda, joint par téléphone.

«Hassan II donne ses conseils mais vous dit : c’est toi le patron», ajoute l’intéressé. C’est surtout le Français Henri Michel qui bénéficiera de la reconnaissance du souverain. Il est félicité et décoré après la Coupe du monde 1998. «Le roi a profité de cette occasion pour me confier aussi la responsabilité de l’équipe olympique», déclarait Henri Michel au quotidien L’Equipe le 10 avril 1999.

Le tournoi Hassan II, une compétition amicale, ayant tout de même amené la France sur le sol marocain, était une volonté du monarque de relancer la machine football. Elle a eu lieu tous les deux ans de 1996 à 2000. Plus récemment, Mohammed VI a reçu toute l’équipe nationale après la finale de la Coupe d’Afrique 2004.

«Il était un peu comme un père de l’équipe nationale, parce qu’il les a reçus dans son intimité avec Moulay Hassan dans les bras», constate le savant du football Najib Salmi.

Mercredi 14 mai 2008, le monarque a donné le coup d’envoi de la création de l’Académie Mohammed VI de football destinée à former de jeunes joueurs. «Le souverain est à l’origine de ce projet», avait déclaré Mounir El Majidi, directeur du secrétariat particulier du roi, lors d’un point de presse.

A la lecture de ces lignes, il est clair comme de l’eau de roche que la monarchie a toujours été omniprésente dans le football car ce sport «n’est pas une question de vie ou de mort, c’est bien plus que cela», avait dit un jour le célèbre joueur anglais Bobby Charlton.


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