"On y va": après des mois de traque, Obama lance l'opération contre Ben Laden
AFP
Washington - C'est finalement vendredi matin, après des mois d'enquête et de surveillance et quelques heures de réflexion, que le président Barack Obama a lâché trois mots qui allaient signer la fin d'Oussama Ben Laden: "On y va".
Barack Obama
Ben Laden avait disparu des écrans radars en 2001 dans les montagnes de Tora Bora, dans l'est de l'Afghanistan. De nombreux analystes le présumaient terré dans des caches reculées des zones tribales de l'ouest du Pakistan, frontalières de l'Afghanistan, où ses alliés règnent en maîtres.
Ce sont des informations arrachées lors d'interrogatoires de suspects --l'administration de George W. Bush avait autorisé la torture de prisonniers-- qui ont permis de remonter jusqu'à un de ses messagers, une des très rares personnes en contact direct avec le chef d'Al-Qaida.
Selon le New York Times, c'est en juillet que des agents pakistanais travaillant pour la CIA ont finalement repéré ce messager à Peshawar, la grande ville du nord-ouest du Pakistan, qui a toujours servi de base arrière aux Afghans réfugiés dans ce pays.
Et après des semaines de filature, il a fini par mener les espions américains à la luxueuse résidence d'Abbottabad. Mise sous surveillance, celle-ci va vite intriguer la CIA.
"On se retrouve avec cette résidence, et on y prête une grande attention parce qu'il devient vite clair que celui qui y habite cherchait vraiment à faire profil bas et prenait beaucoup de mesures de sécurité", explique un responsable.
"Nous pensions qu'Oussama Ben Laden et sa famille occupaient les deuxième et troisième étage du bâtiment principal", poursuit-il.
Pas de téléphone ni d'internet dans la demeure très fortifiée, dont les habitants poussent le luxe de précaution à brûler leurs ordures sur place.
Autre indice qui augmente les soupçons pesant sur le messager de Ben Laden, occupant officiel de la résidence avec son frère, "ils avaient une maison à un million de dollars et aucune source connue de revenus", explique un officiel.
"Nous savons qu'il y a cette résidence, nous connaissons certains des occupants, nous savons qu'il sont associés à Ben Laden et qu'ils vivent de manière exceptionnelle", résume un autre responsable.
"Si vous analysez le dossier, la logique c'est qu'il y a là un terroriste de grande valeur et Ben Laden est la seule personne qui réponde à ce profil", poursuit cette source.
Mais jusqu'à ce qu'un membre des Navy Seals, les commandos d'élite de la marine qui ont mené le raid, ne fasse passer le message "Geronimo-Ennemy killed in action" (ennemi tué au combat), personne, de Barack Obama aux espions sur le terrain, ne sera certain que Ben Laden est bien la cible, soulignent tous les proches du dossier.
En mars, le président Obama est en tout cas suffisamment convaincu de l'intérêt de la piste pour ordonner des préparatifs militaires.
En avril, on lui soumet trois options: l'envoi d'un commando américain pour capturer ou tuer le suspect, une frappe "chirurgicale" aérienne, ou attendre des renseignements supplémentaires.
Entouré d'une petite équipe de conseillers et dans le plus grand secret, le président évalue les possibilités. Plaident contre le raid aérien le risque de faire des victimes civiles et, peut-être surtout, celui de ne pouvoir identifier avec certitude Ben Laden.
"Ce n'est pas qu'on ne peut pas prouver que ce n'était pas lui, on pourrait juste ne pas vraiment savoir", souligne un haut responsable.
L'opération commando permet de s'assurer de la cible, et éventuellement de saisir des preuves, mais expose au risque de confrontation avec les forces pakistanaises, officiellement pas prévenues du raid, ou à un possible fiasco, comme en 1980 pour tenter de libérer les otages de l'ambassade américaine de Téhéran ou en 1993 à Mogadiscio, la "chute du faucon noir".
Jeudi 28 avril, le président convoque une dernière réunion dans la salle de crise de la Maison Blanche et annonce à ses conseillers sa décision pour le lendemain matin.
Vendredi 29, Barack Obama part visiter l'Alabama dévasté par des tornades meurtrières. Avant de monter dans Marine One, l'hélicoptère qui l'attend sur les pelouses de la la présidence, il lance à ses conseillers: "On y va".