Otages au Sahel: après la photo, Paris attend les revendications d'Aqmi
AFP
Paris - Après la première preuve de vie de ses otages enlevés mi-septembre au Niger, la France, prête à négocier, attend les revendications précises d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Hervé Morin
"Pour l'instant nous n'avons reçu aucune revendication d'Aqmi, hormis la revendication de la prise d'otages, il y a désormais près de 10 jours, mais c'est tout", a-t-il ajouté.
Dans la nuit du 15 au 16 septembre, cinq Français, un Togolais et un Malgache, pour la plupart collaborateurs du groupe nucléaire français Areva et d'un de ses sous-traitants, ont été enlevés à leur domicile d'Arlit, dans le nord du Niger. Les otages seraient actuellement retenus aux confins du nord-Mali et du sud de l'Algérie.
Aqmi a mis en ligne jeudi une photo des sept otages, accompagnée d'un enregistrement audio. L'image les montre assis sur le sable sur un terrain désertique, avec debout derrière eux des hommes en armes.
Pierre Camatte, un ex-otage français détenu près de trois mois dans le désert malien par Aqmi, a dit vendredi à l'AFP avoir reconnu sur la photo l'Algérien Abdelhamid Abou Zeid, un des chefs les plus radicaux de ce groupe.
"Sur la photo, en bas, à gauche, j'ai reconnu une personne qui pourrait très bien être Abou Zeid. C'est sa stature, c'est son visage: pour moi, c'est leur chef", a déclaré M. Camatte, qui avait été relâché en février 2010 après la libération par le Mali de quatre islamistes.
Abdelhamid Abou Zeid avait notamment dirigé l'enlèvement de Michel Germaneau, un humanitaire français de 78 ans, dont Aqmi a annoncé l'exécution le 25 juillet.
Rappelant que Paris n'avait "jamais pu avoir la moindre discussion avec les ravisseurs" de Michel Germaneau, Hervé Morin a répété que la diffusion d'une photo des otages était "un signe encourageant", même en l'absence "de date de cette prise de photo".
Pour plusieurs experts, ce message d'Aqmi est important: ils estiment qu'en diffusant cette photo, Abou Zeid semble décidé à établir un contact.
Pour Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement, la voie est ouverte pour une "négociation", d'autant plus, selon lui, que "l'Aqmi est de moins en moins à l'aise dans la région, les Touareg lui étant moins favorables".
Selon ce spécialiste, les "Algériens, qui ne veulent pas que la France se réinstalle solidement dans la région, ont intérêt à un règlement rapide de l'affaire".
De son côté, Louis Caprioli, ancien responsable des services de contre-espionnage français, note que les otages apparaissent sur la photo comme "des prisonniers de guerre". Une mise en scène qui est, pour lui, une manière de redire qu'"Aqmi a déclaré la guerre à la France et à la présence d'Areva au Niger".
En outre, le "nombre important d'otages permet à Abou Zeid de fixer des ultimatums", dit-il.
Les responsables français ont plusieurs fois répété qu'ils étaient prêts à négocier avec les ravisseurs.
Dans le même temps, la France, qui a déployé 80 soldats au Niger, assure qu'une opération militaire n'est pas à l'ordre du jour et dit privilégier la collaboration avec les pays du Sahel concernés.
Le président du Mali, Amadou Toumani Touré, a déploré le "déficit de coopération régionale" au Sahel dans la lutte contre Aqmi, dans une interview publiée vendredi dans le quotidien français Libération.
"Chacun se plaint du voisin et les actions isolées sont vouées à rester ponctuelles", regrette le président malien, en dépit de récentes réunions tenues en Algérie entre responsables des pays concernés.
"Le gouvernement algérien peut faire plus, estime aussi l'ancien ministre des Affaires étrangères mauritanien, Ahmedou Ould-Abdallah, car il a les institutions les plus expérimentées, les plus professionnelles, le plus de moyens financiers et humains".