Pakistan: 33 ans de prison pour avoir aidé la CIA à débusquer Ben Laden
AFP
PESHAWAR (Pakistan) - Un médecin pakistanais accusé dans son pays d'avoir aidé la CIA à débusquer Oussama ben Laden, tué en mai 2011 par un commando américain dans le nord du Pakistan, a été condamné mercredi à 33 ans de prison par un tribunal tribal, a indiqué l'administration du pays.
En janvier dernier, le secrétaire américain à la Défense Leon Panetta avait confirmé que le Dr Afridi travaillait pour le renseignement américain pour tenter de prélever de l'ADN des nombreux enfants présents dans une maison d'Abbottabad, où la CIA soupçonnait Ben Laden de se cacher.
Les tribunaux tribaux sont compétents dans les zones tribales semi-autonomes du Pakistan mais tout appel est ensuite jugé par les juridictions de droit commun, avec l'aide d'un avocat.
Arrêté par les services de renseignement pakistanais peu après le raid fatal à Oussama ben Laden, l'accusé, dont personne n'a eu de nouvelles depuis, n'était pas présent à son procès et les tribunaux tribaux interdisent qu'il prenne un avocat pour se défendre.
Certains juristes estiment cependant que pour de telles accusations, il ne peut être jugé par les tribunaux tribaux. Qui plus est, ils assurent que les faits reprochés ayant été commis dans un autre district que celui de Khyber, non tribal celui-là, la juridiction qui l'a jugé mercredi n'est pas compétente.
"Il a été condamné à 33 ans de prison" notamment pour trahison et complot contre l'Etat, et conduit à la prison centrale de Peshawar, la grande ville du Nord-Ouest, a déclaré à l'AFP Mohammad Siddiq, porte-parole de l'administration du district de Khyber.
Oussama ben Laden a été tué le 2 mai 2011 par un commando de Navy SEALs, des soldats d'élite américains, héliportés de nuit à Abbottabad, officiellement au nez et à la barbe des autorités pakistanaises.
Cette "violation de la souveraineté du Pakistan" selon Islamabad, est l'une des principales pierres d'achoppement au réchauffement des relations entre les Etats-Unis et le Pakistan, pourtant leur allié-clé dans leur "guerre contre le terrorisme" depuis fin 2001.
Mais Washington soupçonne certains membres de l'armée ou du renseignement pakistanais d'avoir eu connaissance de la présence d'Oussama ben Laden à Abbottabad, une ville-garnison à deux heures de route d'Islamabad, voire de l'avoir aidé à s'y terrer au moins cinq ans, ce que le Pakistan dément avec fermeté.
Le Dr Shakeel Afridi, un médecin du gouvernement, avait été licencié il y a deux mois. En plus de la peine de prison, le tribunal de Khyber lui a infligé une amende de 320.000 roupies (environ 2.700 euros). Son avocat n'a pas pu être contacté mais il est probable qu'il fasse appel.
Depuis son arrestations par les services de renseignement pakistanais peu après le raid contre Oussama ben Laden, le sort du Dr Afridi demeure un mystère.
Après la confirmation par Leon Panetta du fait que le Dr Afridi travaillait pour le renseignement américain, Washington avait exprimé son inquiétude sur le sort du médecin et réclamé sa remise en liberté.
"Il n'a commis aucun acte de trahison à l'égard du Pakistan", avait estimé M. Panetta sur la chaîne de télévision américaine CBS. "Je considère comme une réelle erreur de leur part d'agir ainsi à son égard alors qu'il aidait à lutter contre le terrorisme", avait ajouté le chef du Pentagone.
Au Congrès américain, le démocrate Carl Levin et le républicain John McCain ont demandé dans un communiqué au Pakistan de gracier "immédiatement" le médecin, qualifiant sa condamnation de "choquante et scandaleuse".
"Ce que le Dr Afridi a fait est la chose la plus éloignée de la trahison. C'était un acte courageux, héroïque et patriotique qui a aidé à localiser le terroriste le plus recherché au monde, un meurtrier de masse qui a le sang de beaucoup de Pakistanais innocents sur les mains", ont indiqué les deux influents sénateurs.
"L'emprisonnement prolongé du Dr Afridi et son traitement comme criminel ne fera qu'endommager davantage la relation entre les Etats-Unis et le Pakistan", ajoutent encore les élus qui avertissent que le Congrès sera de moins en moins enclin à fournir une aide financière à Islamabad.