Pourquoi les Inuits sont protégés des maladies cardiovasculaires

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Comment les Inuits peuvent-ils rester en bonne santé alors qu'ils ne consomment (quasiment) que des graisses de mammifères marins ? Des chercheurs ont élucidé ce mystère.

Les Inuits ont des mutations génétiques uniques : elles agissent sur le métabolisme et leur permettent de neutraliser les effets néfastes d'un régime alimentaire riche en graisses de mammifères marins, leur principale source d'alimentation. C'est la découverte que viennent de faire des chercheurs danois. En effet, près de 100 % des Inuits ont, sur le chromosome 11, des gènes dédiés au traitement des acides gras dans le développement de l'organisme mutés. Or seuls 2 % des Européens et 15 % des Chinois de l'ethnie Han possèdent ces mutations génétiques, expliquent les chercheurs dans leur étude publiée jeudi 17 septembre 2015 dans la revue américaine Science. Pour réaliser ce travail, ils ont analysé les génomes de 191 Groenlandais avec moins de 5 % de gènes européens qu'ils ont comparé à ceux de 60 Européens et de 44 Chinois de l'ethnie Han.

C'est très bon pour les Inuits de consommer beaucoup d'oméga 3, mais pas pour le reste d'entre nous"

Outre la viande de baleine et de phoque, les Inuits consomment également de grandes quantités de poissons dont l'huile est riche en acides gras oméga 3. Malgré cette alimentation traditionnelle très pauvre en fruits et légumes et riche en graisses animales, les Inuits sont généralement en bonne santé avec une faible incidence de maladies cardiovasculaires, avaient déjà constaté des chercheurs danois dans les années 70. Ils avaient alors conclu que les oméga 3 devaient avoir des effets protecteurs pour expliquer ce paradoxe.

OMÉGA 3. Ces conclusions sont à l'origine des recommandations en Europe et dans le reste du monde de consommer davantage de poissons gras ou de prendre des compléments d'oméga 3 pour aider à préserver la santé du coeur et des artères, explique Rasmus Nielsen, un professeur de biologie de l'université de Californie à Berkeley, un des auteurs de cette nouvelle étude. Aujourd'hui, au moins 10 % des Américains prennent régulièrement ces compléments alimentaires. Mais les résultats de récents essais cliniques n'ont pas confirmé les bienfaits cardiovasculaires des oméga 3 ou pour protéger contre la maladie d'Alzheimer. "Nous avons découvert que les Inuits ont une adaptation génétique unique à ce régime alimentaire qu'on ne peut pas extrapoler à d'autres groupes ethniques", poursuit le scientifique. Ainsi, "c'est très bon pour les Inuits de consommer beaucoup d'oméga 3 mais pas pour le reste d'entre nous", conclut-il.

Des mutations génétiques vieilles d'au moins 20.000 ans

Ces mutations génétiques ont des effets encore plus étendus comme la réduction du "mauvais cholestérol" (LDL) et de sucre dans le sang, ce qui a des effets protecteurs contre les maladies cardiovasculaires et le diabète de type 2. Ces caractéristiques génétiques agissent également sur la taille car la croissance est en partie régulée par le métabolisme des graisses. Chez les Inuits, ces mutations réduisent leur taille de deux centimètres, ont déterminé les chercheurs. Selon ces derniers, ces mutations génétiques remontent à au moins 20.000 ans et pourraient avoir aidé de nombreuses peuplades humaines comme les chasseurs-cueilleurs à s'adapter à des régimes alimentaires riches en graisse animale et à certains types d'acide gras oméga-3 et oméga-6. Elles pourraient être apparues initialement chez des Sibériens qui vivaient dans l'Arctique il y a plus de 20.000 ans. Et ces derniers sont arrivés au Groenland quand les Inuits s'y sont installés il y a environ mille ans. Cette sélection génétique est ancienne et pourrait avoir aidé les humains à s'adapter à l'environnement lors du dernier âge glaciaire mais a été nettement plus marquée chez les Inuits, pensent ces chercheurs.

Lise Loumé avec afp

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