Printemps arabes: opportunité mais aussi menace pour Al Qaïda
AFP
Paris - Si elles ont parfois donné à Al Qaïda de nouveaux espaces où opérer, les révoltes arabes pourraient aussi être le meilleur antidote au jihadisme violent, estiment des experts.
"C'est la fin d'un cycle", a-t-il dit. "Al Qaïda s'est d'abord installée en Afghanistan dans les années 90 à cause de la pression qui montait sur elle dans ses pays arabes d'origine. Ils sont partis au Pakistan après la chute des talibans. Et maintenant certains retournent dans le monde arabe".
Selon lui des "apprenti-jihadistes" britanniques auraient également pris le chemin de certains pays arabes "à la recherche d'opportunités militantes". "Certains vont rentrer en GB et constituer des menaces".
S'ils reconnaissent que le chaos régnant dans certaines régions arabes pourraient offrir à Al Qaïda de nouveaux sanctuaires, des experts interrogés par l'AFP estiment surtout que les transformations politiques en cours seront à moyen et long terme néfastes pour la tendance violente des mouvements islamistes.
Face à des échéances électorales, à des évolutions pacifiques de sociétés qui étaient restées figées pendant des décennies, "même Al Qaïda a adapté son discours" explique Dominique Thomas, spécialiste des mouvements islamistes à l'Ecole des Hautes études en sciences sociales (EHESS).
"Que ce soit (le successeur d'Oussama ben Laden) Ayman Al Zawahiri ou les principales figures du mouvement qui ont communiqué sur la question, ils ont délaissé la violence pour se concentrer sur les sociétés et sur l'application de la charia", dit-il.
"Ils se posent en défenseurs des +vraies valeurs+ de l'Islam, ne parlent plus de jihad mais de charia (...) Ils ont intégré tout le potentiel qu'ils peuvent tirer des printemps arabes et se positionnent en opposants hors système sur les question sociétales".
"On voit cela en Egypte, en Tunisie et en Libye: ils ne prêchent pas la violence sur leurs territoires mais sont très actifs sur le terrain de la prédication. Ils veulent se poser en garde-fous de ce qu'ils présentent comme les vraies valeurs islamiques", précise Dominique Thomas.
Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences-Po Paris, auteur notamment de "La véritable histoire d'Al-Qaïda", remarque que "globalement, un an et demi après le début de la Révolution arabe, on voit qu'Al-Qaida est considérée comme une référence désormais obsolète dans les pays concernés".
Cela est dû "au fait que l'accent est mis sur la compétition électorale par l'ensemble des acteurs, y compris des jihadistes repentis, comme en Egypte ou en Libye", ajoute-t-il.
Evoquant les déclarations du patron du MI-5, il estime "qu'une partie de la communauté occidentale du renseignement a beaucoup de mal a sortir d'une décennie de focalisation sur Al-Qaida, d'autant plus que son appréhension de la contestation démocratique dans le monde arabe est aléatoire..."
En fait c'est au Sahel, en Somalie ou au Yémen, des pays ou des régions échappant à tout pouvoir central et où les mouvements de démocratisation des printemps arabes sont peu à l'oeuvre, qu'Al Qaïda pourra trouver dans les mois et sans doute les années à venir le meilleur terreau pour se développer.
Et encore, soulignent les experts, au Sahel et en Somalie les jihadistes se réclament certes de l'idéologie d'Al Qaïda mais ils n'ont pas, pour l'instant, tenté de monter quelque action que ce soit en dehors de leurs théatres d'opérations.
Ce n'est pas le cas au Yémen où Al Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa) a par deux fois tenté de faire sauter des avions de ligne à destination des Etats-Unis et reste la franchise d'Al Qaïda la plus dangereuse pour les intérêts occidentaux.