Quand la crise immobilière devient populaire, par Isabelle Rey-Lefebvre
lemonde.fr/Isabelle Rey-Lefebvre
S'il y a une crise populaire et souhaitée, c'est celle de l'immobilier. La majorité des ménages espèrent une baisse des prix des logements après la hausse ininterrompue de 140 %, en dix ans, généralisée à tout le territoire. De la même manière que la hausse de l'immobilier n'enrichit pas vraiment les ménages, la baisse ne les appauvrit pas non plus.
L'Insee, dans sa note publiée le 17 mars, a pourtant annoncé aux Français qu'ils étaient riches, et beaucoup plus qu'il y a trente ans, grâce à leur logement. Selon cette étude, les ménages détenaient, fin 2007, un patrimoine net, c'est-à-dire dette déduite, de 9 500 milliards d'euros, soit une moyenne de 340 000 euros par ménage. Ce montant représente 7,5 années de revenus, contre seulement 4,4, en moyenne, sur la période 1978-1997, et est composé à 62 % du logement. Désormais, 58 % des Français sont propriétaires de leur résidence principale, contre 47 % en 1978.
Mais ce que peu d'économistes admettent, c'est que cette prospérité n'est qu'apparente, voire factice. La valeur des logements, d'abord, est volatile et peut baisser, tandis que la dette contractée pour les acheter est intangible. Or, pour devenir propriétaires, les ménages se sont lourdement endettés, puisque l'encours total des prêts immobiliers représentait, en 2007, 69 % de l'ensemble des revenus bruts de tous les Français (incluant ceux qui n'ont aucun emprunt en cours), contre 26 %, en 1978. Plus propriétaires, certes, mais surtout plus endettés.
La hausse des prix de l'immobilier n'est d'ailleurs pas une conséquence de la progression des revenus ou de l'amélioration de la qualité des logements. Elle a été provoquée par l'emballement du crédit et a favorisé un renchérissement sans précédent du foncier. Toujours selon l'Insee, le prix du terrain représentait, en 2007, 56 % de la valeur du logement, contre 20 %, en 1978, ce qui revient à dire qu'en trente ans, sa valeur a progressé de 572 %, tandis que le bâtiment seul ne gagnait que 32 %.
Le renchérissement des logements, alors que les revenus stagnent, rend la propriété encore plus inaccessible aux locataires qui voudraient devenir propriétaires. Pour ceux qui ne possèdent que leur résidence principale, sa valorisation n'est pas source d'enrichissement puisqu'ils vont procéder à un échange de mètres carrés. Le logement étant un bien indispensable, les propriétaires vendent pour acheter un autre bien qui aura subi la même hausse. Les seuls gagnants au jeu de l'inflation immobilière sont les propriétaires de plusieurs logements ou ceux qui réduisent leur surface à l'occasion d'un déménagement.
Lorsque les prix de l'immobilier baissent, l'appauvrissement est, lui aussi et heureusement, très relatif, puisque, selon la même mécanique, ce qu'un propriétaire croit perdre sur la vente de son bien, il le rattrape sur l'achat d'un autre. Pour les possesseurs d'un seul logement comme pour les locataires - soit 85 % des Français -, la baisse des prix est bienvenue car elle est le meilleur moyen de les solvabiliser.
Les efforts du gouvernement pour relancer le marché immobilier ne doivent donc pas casser l'ajustement, en cours, des prix, qui, en 2008, ont fléchi de 10 %, une tendance qui devrait se poursuivre en 2009. Ce n'est pas un krach, peu probable compte tenu de la pénurie de logements, mais un ajustement. La déduction fiscale des intérêts d'emprunts pour l'achat d'une résidence principale, mise en place dès l'élection de Nicolas Sarkozy, a coûté, en 2007, 250 millions d'euros à l'Etat. En année pleine, elle pourrait absorber 2,4 milliards d'euros. Et elle n'a eu aucun impact sur le marché, si ce n'est retarder la baisse des prix.
Même les agents immobiliers, Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim) en tête, admettent l'inefficacité de cette mesure. Son président, René Pallincourt, s'étonnait, le 7 avril, que le rapport de l'inspection des finances, qui en a fait le bilan, n'ait pas été publié. Une baisse des droits de mutation risquerait, comme ce fut le cas en 1997, d'être absorbée par les vendeurs, et n'aiderait en rien les acquéreurs. Le nouvel avantage fiscal pour l'achat de logements destinés à la location, dit "amendement Scellier", adopté en urgence dans le cadre de la loi de finances 2009, pourrait, à des loyers trop élevés, avoir les mêmes inconvénients que le dispositif Robien et produire des logements qu'aucun locataire ne peut s'offrir.
Le Crédit foncier, dans une étude récente, observait que 75 % des logements neufs étaient vendus entre 3 000 et 3 500 euros le mètre carré, s'adressant à seulement 15 % des acheteurs, alors que 75 % de la demande exprimée se situe entre 2 300 et 2 500 euros le mètre carré. Le récent doublement du prêt à taux zéro, réservé à des primo-accédants aux ressources plafonnées et achetant un logement neuf, est un peu mieux ciblé, donc plus efficace pour, à tout le moins, stimuler la construction.
Il est dommage que le doublement du prêt à taux zéro n'ait pas été réservé aux bâtiments basse consommation, ce qui aurait été l'occasion de créer une véritable offre de logements économiques au plan énergétique. Le surplus de prix autorisé par le doublement du prêt serait justifié par une meilleure qualité du bien et par des charges allégées, soulageant les finances des accédants modestes.
Mais ce que peu d'économistes admettent, c'est que cette prospérité n'est qu'apparente, voire factice. La valeur des logements, d'abord, est volatile et peut baisser, tandis que la dette contractée pour les acheter est intangible. Or, pour devenir propriétaires, les ménages se sont lourdement endettés, puisque l'encours total des prêts immobiliers représentait, en 2007, 69 % de l'ensemble des revenus bruts de tous les Français (incluant ceux qui n'ont aucun emprunt en cours), contre 26 %, en 1978. Plus propriétaires, certes, mais surtout plus endettés.
La hausse des prix de l'immobilier n'est d'ailleurs pas une conséquence de la progression des revenus ou de l'amélioration de la qualité des logements. Elle a été provoquée par l'emballement du crédit et a favorisé un renchérissement sans précédent du foncier. Toujours selon l'Insee, le prix du terrain représentait, en 2007, 56 % de la valeur du logement, contre 20 %, en 1978, ce qui revient à dire qu'en trente ans, sa valeur a progressé de 572 %, tandis que le bâtiment seul ne gagnait que 32 %.
Le renchérissement des logements, alors que les revenus stagnent, rend la propriété encore plus inaccessible aux locataires qui voudraient devenir propriétaires. Pour ceux qui ne possèdent que leur résidence principale, sa valorisation n'est pas source d'enrichissement puisqu'ils vont procéder à un échange de mètres carrés. Le logement étant un bien indispensable, les propriétaires vendent pour acheter un autre bien qui aura subi la même hausse. Les seuls gagnants au jeu de l'inflation immobilière sont les propriétaires de plusieurs logements ou ceux qui réduisent leur surface à l'occasion d'un déménagement.
Lorsque les prix de l'immobilier baissent, l'appauvrissement est, lui aussi et heureusement, très relatif, puisque, selon la même mécanique, ce qu'un propriétaire croit perdre sur la vente de son bien, il le rattrape sur l'achat d'un autre. Pour les possesseurs d'un seul logement comme pour les locataires - soit 85 % des Français -, la baisse des prix est bienvenue car elle est le meilleur moyen de les solvabiliser.
Les efforts du gouvernement pour relancer le marché immobilier ne doivent donc pas casser l'ajustement, en cours, des prix, qui, en 2008, ont fléchi de 10 %, une tendance qui devrait se poursuivre en 2009. Ce n'est pas un krach, peu probable compte tenu de la pénurie de logements, mais un ajustement. La déduction fiscale des intérêts d'emprunts pour l'achat d'une résidence principale, mise en place dès l'élection de Nicolas Sarkozy, a coûté, en 2007, 250 millions d'euros à l'Etat. En année pleine, elle pourrait absorber 2,4 milliards d'euros. Et elle n'a eu aucun impact sur le marché, si ce n'est retarder la baisse des prix.
Même les agents immobiliers, Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim) en tête, admettent l'inefficacité de cette mesure. Son président, René Pallincourt, s'étonnait, le 7 avril, que le rapport de l'inspection des finances, qui en a fait le bilan, n'ait pas été publié. Une baisse des droits de mutation risquerait, comme ce fut le cas en 1997, d'être absorbée par les vendeurs, et n'aiderait en rien les acquéreurs. Le nouvel avantage fiscal pour l'achat de logements destinés à la location, dit "amendement Scellier", adopté en urgence dans le cadre de la loi de finances 2009, pourrait, à des loyers trop élevés, avoir les mêmes inconvénients que le dispositif Robien et produire des logements qu'aucun locataire ne peut s'offrir.
Le Crédit foncier, dans une étude récente, observait que 75 % des logements neufs étaient vendus entre 3 000 et 3 500 euros le mètre carré, s'adressant à seulement 15 % des acheteurs, alors que 75 % de la demande exprimée se situe entre 2 300 et 2 500 euros le mètre carré. Le récent doublement du prêt à taux zéro, réservé à des primo-accédants aux ressources plafonnées et achetant un logement neuf, est un peu mieux ciblé, donc plus efficace pour, à tout le moins, stimuler la construction.
Il est dommage que le doublement du prêt à taux zéro n'ait pas été réservé aux bâtiments basse consommation, ce qui aurait été l'occasion de créer une véritable offre de logements économiques au plan énergétique. Le surplus de prix autorisé par le doublement du prêt serait justifié par une meilleure qualité du bien et par des charges allégées, soulageant les finances des accédants modestes.