Rachida Dati ou la désinvolture heureuse
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En janvier de cette année le Président Sarkozy a présenté la candidature de Rachida Dati — entre autres — aux élections européennes en ces termes :
Rachida Dati
Une illustration de cet engagement a été donné hier par le ministre de la justice.
— Alors, je récite, 77% de notre énergie provient du nucléaire, c'est ça ? Ah électricité ? On m'avait dit énergie…
Il s'agissait d'une Convention sur l'Europe organisée par les jeunes UMP. C'est pourquoi, du côté de Michel Barnier, on fait valoir le côté "décontracté" de l'ambiance.
Certes, mais si la décontraction consiste à jouer les cancres ou s'enorgueillir de son ignorance, il y a de quoi s'interroger sur les critères de la méritocratie en République Sarkozienne.
C'est que la ministre ne manque pas de souligner, par incise, combien elle ignore enjeux européens. Et c'est cette ignorance même qui caractérise une "ambiance décontractée", selon Michel Barnier. Je confesse mal comprendre en quoi l'incompétence, fût-elle simulée, peut servir une ambiance de décontraction.
En tant que militant UMP, même jeune, je m'inquiéterais — ou m'affligerais — de ce que mon futur représentant au Parlement fasse valoir avec désinvolture les artifices et imperfections de son savoir ; et pire, qu'il s'en rengorge.
Je m'étonnerais encore de ce que la réponse aux militants constitue une épreuve ennuyeuse et factice, à ce point qu'il apparaît légitime d'en souligner les subterfuges. Feindre sa compétence, au moins, a le mérite de laisser penser que l'on est élu pour quelque chose. Appuyer sur la dimension artificielle de l'exercice — "alors je récite" — souffle sur la poussière de l'hypocrisie, mais c'est au prix de l'abandon d'une valeur qu'on pouvait estimer défendable : que les meilleurs représentent le peuple.
Il est vrai que Rachida Dati, elle n'y entend peut-être rien à l'Europe, mais elle va quand même être élue. Et je vous parie mon billet que le Président Sarkozy en connaît d'autres qui s'y entendent en politique européenne, mais ne seront jamais élus.
Finalement, la frivolité de Rachida Dati n'est pas un affront aux militants de l'UMP. Car peu leur importe d'être représentés par un candidat scrupuleux et soucieux de leurs intérêts. Ce n'est pas davantage un offense à Michel Barnier. Car la pédagogie de l'Union européenne serait bien difficile à tenir devant l'électeur s'il n'était un colistier pour en souligner l'inanité.
Ce n'est pas plus un mépris de l'électeur. Car ce dernier n'aime rien tant qu'on lui laisse entendre combien on se moque des questions sur lesquelles on réclame son suffrage.