Rejeté par Johnson, défendu par les Européens: le "backstop" au coeur de l'impasse sur le Brexit

Reuters

Dublin - Rejeté par Boris Johnson, défendu par les Européens, le “backstop” nord-irlandais, partie intégrante de l’accord de Brexit négocié par Theresa May et l’UE, bloque la perspective d’une sortie ordonnée du Royaume-Uni de l’Union européenne.

Cette “clause de sauvegarde” qui ne doit s’exercer qu’en dernier recours vise à éviter le rétablissement d’une “frontière physique” entre la République irlandaise et la province britannique d’Irlande du Nord.

Elle prévoit que le Royaume-Uni restera dans le cadre d’une union douanière avec l’UE (avec maintien notamment de normes sanitaires et environnementales identiques) jusqu’à la mise en place d’”arrangements de substitution” qui éviteraient le retour à une frontière dure.

Les partisans britanniques du Brexit, Boris Johnson en tête, y voient une atteinte inacceptable à la souveraineté du Royaume-Uni. C’est leur objection qui a conduit à la démission de Theresa May, incapable de faire ratifier l’Accord de retrait par la Chambre des communes malgré trois tentatives.

OBJECTIF
Les 500 km de frontière entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande deviendront après le divorce la seule frontière terrestre entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.

Dublin, soutenu par ses partenaires européens, juge qu’il est essentiel de maintenir cette frontière ouverte pour ne pas risquer de raviver les tensions qui ont fait plus de 3.600 morts en trente ans en Irlande du Nord.

Car la possibilité d’aller et venir librement entre les deux territoires est l’une des bases du succès des Accords du Vendredi-Saint conclus en avril 1998 qui ont mis un terme aux “Troubles” nord-irlandais.

L’Union européenne comme le Royaume-Uni sont d’accord sur un point: ils ne veulent pas que le Brexit conduise à rétablir des postes frontière à travers l’île d’Irlande.

Le “backstop” a été conçu comme une “assurance”, un “filet de sécurité”, un mécanisme de “dernier recours” qui s’appliquerait faute de mieux à l’issue de la période de transition (qui doit s’ouvrir au moment du divorce et s’achever au 31 décembre 2020). Mais les deux parties n’ont jusqu’à présent pas défini ce que pourrait être ce “mieux”.

FONCTIONNEMENT
Dans sa forme originelle, le “backstop” maintenait la seule Irlande du Nord dans une relation d’alignement très étroit sur les règles douanières de l’UE.

Face aux objections soulevées en Grande-Bretagne, où les députés unionistes nord-irlandais notamment voyaient dans ce statut particulier pour l’Irlande du Nord les prémices d’une dislocation du Royaume-Uni, la version retenue dans l’Accord de retrait trouvé fin novembre entre Londres et Bruxelles maintient tout le Royaume-Uni dans l’union douanière.

S’appliquant faute de mieux à l’issue de la période de transition (durant laquelle toutes les dispositions actuelles restent en place), il prévoit d’englober l’UE et le Royaume-Uni dans un “territoire douanier unique” avec des règles équitables assurant une concurrence loyale (normes environnementales et sanitaires, droit du travail et subventions publiques).

OBJECTION
Les Brexiters redoutent que le “backstop” n’enferme le Royaume-Uni dans une dépendance aux règles fixées par Bruxelles et sur lesquelles Londres n’aura plus son mot à dire une fois sorti de l’UE.

Le Royaume-Uni aurait dès lors des difficultés à négocier en toute indépendance des accords de libre-échange avec des pays tiers. Cette souveraineté commerciale retrouvée était l’un des arguments forts des partisans du divorce lors de la campagne en vue du référendum de juin 2016.

Pas question donc, disent les Brexiters, de faire du Royaume-Uni un “Etat vassal” de l’UE.

Les Européens jugent parallèlement que les “arrangements de substitution” proposés par Theresa May puis Boris Johnson, avec remplacement des contrôles à la frontière par des systèmes technologiques de contrôles virtuels, ne sont pas opérationnels.

ET S’IL N’Y A PAS D’ACCORD ?
Si le Royaume-Uni quitte l’Union européenne le 31 octobre prochain sans accord, il n’y aura évidemment pas de “backstop”.

Mais l’Irlande ne pourra pas laisser longtemps ouverte la frontière. Car si les Irlandais ne sont pas en mesure de contrôler les marchandises en provenance de Grande-Bretagne, l’UE risque de se demander un jour si les exportations irlandaises vers le reste de l’Union ne devront pas à leur tour faire l’objet de contrôles.


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