Sur la place Tahrir, les opposants à Moubarak honorent leurs martyrs
AFP
Le Caire - Prosternés sur la place Tahrir, des dizaines de milliers d'opposants au président égyptien Hosni Moubarak ont fait la prière aux morts vendredi, certains les larmes aux yeux, pour honorer leurs "martyrs" après plus d'une semaine de violences meurtrières.
Les manifestants antigouvernementaux avaient pris cette place emblématique dans le coeur du Caire au terme d'affrontements meurtriers avec la police il y a une semaine. Depuis, ils n'ont pas quitté ce lieu, théâtre de nouveaux heurts mercredi et jeudi avec les partisans du président Hosni Moubarak.
Des opposants se sont promenés cette semaine sur la place avec de grandes photos de jeunes victimes des violences, coiffées du mot arabe "chahid" - martyr en français.
Vendredi, l'imam a prononcé en pleurant la prière aux morts, "Salat al-Janaza". Des fidèles émus avaient aussi les larmes aux yeux.
Dès la fin de la prière, les fidèles ont commencé à scander "Dégage, dégage" à l'encontre du président, ou encore "Je suis égyptien, je n'ai pas peur, je suis un lion sur la place".
"Je n'ai pas peur d'être là avec mon fils, je ne l'exposerais jamais à un vrai danger. Je sais que c'est très sûr à l'intérieur" de la place Tahrir, a affirmé à l'AFP Inji, 34 ans, qui faisait la queue avec Abdallah (11 ans) à l'entrée de la place Tahrir, sous haute surveillance militaire.
"Je veux lui apprendre la démocratie, c'est maintenant ou jamais", a-t-elle ajouté. "Nous attendons ce moment depuis 30 ans, cela fait 30 ans que je rêve de voir autant de monde sur cette place et le changement arriver", a déclaré à la foule Mohamed al-Awaa, un islamiste modéré.
Le ministre de la Défense, Mohamed Hussein Tantaoui, s'est rendu sur place vendredi matin, avant la prière, pour évaluer la situation et s'est pour la première fois adressé à la foule.
"L'homme vous a dit qu'il n'allait pas se représenter", a-t-il lancé à propos de M. Moubarak, qui s'est engagé à s'effacer à la fin de son mandat en septembre.
"Allez dire au Guide de s'asseoir avec eux", a ajouté le ministre, dans une apparente allusion au Guide suprême des Frères musulmans, Mohammed Badie, et au dialogue lancé par le pouvoir mais rejeté par la majeure partie de l'opposition, dont la confrérie islamiste, tant que M. Moubarak reste en place.
"Les deux exigences principales n'ont pas encore été obtenues. Ces exigences sont l'abolition de la loi sur l'état d'urgence et le départ de Hosni Moubarak", a dit Khaled Abdallah, acteur et producteur, en ramassant les détritus sur la place.
Les manifestants avaient rassemblé des casques de chantier, des pierres et des bâtons et constitué des lignes de défense derrière des barricades à différents points d'entrée de la place, en préparation d'éventuels affrontements avec les partisans du président Moubarak.
Ceux-ci se sont réunis vendredi à la place Moustafa Mahmoud dans le quartier aisé de Mohandissine, sur la rive opposée du Nil, et semblaient avoir eu pour instruction de ne pas faire irruption dans le coeur de la capitale.
Des échauffourées ont néanmoins eu lieu vendredi après-midi dans une rue adjacente à la place Tahrir faisant au moins quatre blessés légers, a constaté un journaliste de l'AFP.
Selon un bilan non confirmé de l'ONU, les violences de la première semaine de contestation en Egypte ont déjà fait moins 300 morts et des milliers de blessés.