Syrie: l'opposition accuse des jihadistes de servir leurs propres intérêts

AFP

Beyrouth - La Coalition de l'opposition syrienne a accusé vendredi un groupe de jihadistes lié à Al-Qaïda de privilégier leur projet d'instauration d'un Etat islamique au combat contre le régime, deux jours après leur conquête d'une ville du nord du pays tenue par les rebelles.

Syrie: l'opposition accuse des jihadistes de servir leurs propres intérêts
Azaz, ville frontalière de la Turquie, dans le nord-ouest de la Syrie, est tombée mercredi aux mains de l'Etat islamique d'Irak et du Levant (EIIL), à l'issue d'une opération éclair.

Fait significatif, la ville n'était pas sous le contrôle du régime mais de l'Armée syrienne libre (ASL), le bras armé de la Coalition nationale syrienne, qui a jusqu'ici plus ou moins cohabité avec l'EIIL et l'autre groupe jihadiste du Front al-Nosra, lui aussi lié à Al-Qaïda.

La Coalition de l'opposition n'a pas manqué de "condamner les agressions de (l'EIIL) contre les forces de la révolution (...) et son mépris pour la vie des Syriens".

C'est la première fois que cette coalition, qui regroupe un large éventail de tendances, s'élève aussi fortement contre un groupe jihadiste.

Elle a dénoncé le fait que l'EIIL "serve des projets extérieurs et appelle à instaurer un Etat (islamique) dans les contours de l'Etat syrien, en violation de la souveraineté nationale" syrienne.

Elle s'est également indignée du recours de ce groupe "à la force contre les civils et du bellicisme à l'égard de l'ASL" et l'accuse d'avoir "renoncé à combattre le régime dans différentes zones et de s'employer à renforcer son emprise sur des zones libérées".

La coalition souligne ensuite ses divergences avec l'idéologie de l'EIIL en soulignant que "le peuple syrien est enclin à la modération et au respect des religions et du pluralisme politique et rejette la pensée extrémiste et l'exclusion qui se traduisent par des actes criminels contre les musulmans et les non musulmans".

Le problème reste entier à Azaz même si une trêve a été conclue entre l'ASL et l'EIIL, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

L'ALS a envoyé, l'une de ses unités, la puissante Brigade Tawhid, s'interposer dans la ville entre jihadistes et son bataillon local, "Tempête du nord", en attendant de trouver une issue à la crise.

Craintes des habitants d'Azaz

L'entrée des combattants de l'EIIL a provoqué la colère de nombreux habitants de la ville, inquiets de voir le groupe imposer la charia et se livrer à des violences contre les civils. Mais certains dans la ville n'ont pas caché leur soutien aux jihadistes.

Le régime de Damas ne cesse d'affirmer que la rébellion est sous l'emprise quasi-totale des jihadistes liés à Al-Qaïda tandis qu'en face le chef de la Coalition de l'opposition Ahmad Jarba a estimé, dans un plaidoyer mardi en faveur d'un recours à la force contre Damas, qu'une intervention militaire ouvrirait la voie pour lutter contre ces groupes.

Le secrétaire d'Etat américain John Kerry a maintenu la pression sur Damas en exhortant jeudi le Conseil de sécurité de l'ONU à voter "la semaine prochaine" une résolution contraignant la Syrie à respecter un plan de démantèlement de son arsenal chimique.

Il a aussi pressé la Chine, membre permanent du Conseil de sécurité, de jouer un rôle "constructif" pour parvenir à cette résolution que la Russie refuse de promulguer sous le Chapitre VII de la charte de l'ONU prévoyant des sanctions allant jusqu'au recours à la force contre la Syrie si elle n'abandonne pas ses armes chimiques.

Si un compromis est trouvé, ce texte pourrait être soumis au vote ce week-end.

Le président russe Vladimir Poutine, fidèle allié de Damas, a estimé pour sa part que l'attitude de la Syrie sur le démantèlement des armes chimiques "inspire confiance".

L’Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) a annoncé qu'elle se réunirait dimanche à La Haye afin de discuter de ce démantèlement, accepté en principe par la Syrie.

L'allié iranien de la Syrie a quant à lui proposé de faciliter le dialogue entre Damas et la rébellion, pour favoriser une solution politique du conflit qui dure depuis trente mois, faisant plus de 110.000 morts et déracinant six millions de Syriens, dont deux millions ont trouvé refuge dans les pays voisins.

Empruntant aussi le pas diplomatique, le vice-Premier ministre syrien, Qadri Jamil, a affirmé au quotidien britannique The Guardian que Damas demanderait un cessez-le-feu en cas de nouvelle conférence internationale de paix, baptisée Genève-2, une initiative voulue par Washington et Moscou qui a du mal à voir le jour.

Le président français François Hollande a indiqué jeudi que la France livrerait des armes à l'ASL mais "dans un cadre contrôlé".


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