Syrie: la Russie et la Chine torpillent une résolution sur la répression
AFP
New York - La Chine et la Russie ont opposé mardi leur veto et de ce fait torpillé un projet de résolution des pays occidentaux du Conseil de sécurité menaçant le régime syrien de "mesures ciblées" pour la répression sanglante des manifestations.
"Les Etats-Unis sont furieux du fait que ce Conseil ait complètement échoué" dans sa tentative de traiter "un défi moral urgent et une menace croissante à la paix régionale", a déclaré l'ambassadrice américaine Susan Rice.
Elle a implicitement condamné Moscou et Pékin qui, a-t-elle dit, "préfèreraient vendre des armes au régime syrien".
"Que je sois claire: les Etats-Unis pensent qu'il est grand temps que ce Conseil assume ses responsabilités et impose des mesures ciblées dures et un embargo sur les armes contre le régime (du président syrien Bachar Al-)Assad", a déclaré Mme Rice.
"Aujourd'hui, le peuple courageux de Syrie peut maintenant voir qui dans ce Conseil soutient ses aspirations à la liberté et aux droits de l'homme universels et qui ne le fait pas", a insisté l'ambassadrice.
L'ambassadeur de France à l'ONU, Gérard Araud, a souligné que tous les efforts avaient été déployés pour trouver un compromis depuis le début des discussions au Conseil de sécurité en mai dernier, en vain.
Le véto russe et chinois "est une expression de mépris pour les aspirations légitimes qui s'expriment courageusement en Syrie depuis cinq mois. C'est un rejet de ce formidable mouvement en faveur de la liberté et de la démocratie qu'est le Printemps arabe", a ajouté M. Araud.
"Qu'on ne s'y trompe pas, ce véto ne nous arrêtera pas. Aucun véto ne peut donner blanc seing à des autorités syriennes qui ont perdu toute légitimité en assassinant leur propre peuple", a-t-il souligné.
L'ambassadeur de Russie, Vitali Tchourkine, a estimé que deux philosophies s'étaient affrontées lors des discussions au Conseil de sécurité, dont celle de la "confrontation" voulue selon lui par les pays occidentaux. "La menace de sanctions était inacceptable", a-t-il dit après le vote.
Il s'agit du premier veto russo-chinois depuis celui qui avait bloqué des sanctions de l'ONU contre le président du Zimbabwe Robert Mugabe en juillet 2008.
Plus tô t dans la journée, la Russie avait jugé "inacceptable" la dernière version du projet de résolution, malgré le retrait d'une référence directe à des sanctions.
Dans ce projet de résolution, le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et le Portugal ont préféré parler de "mesures ciblées" plutô t que de "sanctions", afin de rallier les autres membres du Conseil de sécurité.
Moscou, allié de Damas qui bloque depuis des semaines tout projet de sanctions, avait proposé son propre projet de résolution mettant l'accent sur la nécessité du dialogue politique en Syrie et mettant la pression aussi bien sur l'opposition que sur le régime du président syrien.
Les Etats-Unis, par la voix de la porte-parole de la diplomatie américaine, Victoria Nuland, avaient quant à eux espéré "un vote fort, solide" pour "adresser au régime Assad le message que la violence doit cesser".
S'adressant à la presse à La Haye, le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, avait appelé les quinze membres du Conseil de sécurité à trouver une réponse "unifiée", sous peine d'affaiblir l'autorité de l'ONU.
Selon le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, la Russie s'était montrée favorable lundi à la résolution proposée, avant de changer de position.
Le Canada a lui renforcé mardi ses sanctions contre Damas en visant en particulier le secteur pétrolier, sans toutefois freiner les activités du géant énergétique canadien Suncor dans ce pays.
Parallèlement, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, qui entretenait jadis des liens d'amitié avec le président Assad, a annoncé mardi que son pays prendrait rapidement des sanctions contre le régime syrien, selon l'agence de presse Anatolie.
Entre-temps, la répression, qui a fait selon l'ONU plus de 2.700 morts depuis la mi-mars, s'est poursuivie: onze nouvelles victimes ont été recensées mardi, dont six à Homs (centre) et deux dans le nord-ouest du pays, a rapporté l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).