Syrie: la police tire sur d'importantes manifestations, au moins 15 morts
AFP
Damas - Au moins 15 personnes ont été tuées et des dizaines blessées vendredi en Syrie par les forces de sécurité qui ont ouvert le feu sur d'imposantes manifestations contre le régime, après l'annonce de la levée de l'état d'urgence.
Il s'agit de l'une des plus importantes mobilisations depuis le début le 15 mars du mouvement de contestation sans précédent contre le régime du président Bachar el-Assad, arrivé au pouvoir en 2000 à la mort de son père Hafez el-Assad.
Malgré la levée de l'état d'urgence, les forces de sécurité ont ouvert le feu sur la foule dans des villes au sud et au nord de la capitale Damas, selon des témoins et des militants des droits de l'Homme.
Au moins 15 personnes ont été tuées et des dizaines blessées, ont-ils indiqué, joints au téléphone par l'AFP, en soulignant que le bilan risquait de s'alourdir.
Au moins huit personnes ont été tuées dans la localité d'Ezreh, dans la province de Deraa, à 100 km au sud de Damas et où est née la contestation. Une neuvième a été tuée à Hirak, dans la même province.
Six autres ont été tuées à Douma, à 15 km au nord de Damas, selon eux.
Des dizaines de personnes ont été blessées par les tirs des forces de l'ordre qui tentaient de disperser les manifestants dans plusieurs villes, selon les mêmes sources.
Des informations, qui n'ont pu être confirmées dans l'immédiat, ont fait état de "victimes" à Homs (centre) ainsi que dans les quartiers de Maadamiyah, Zmalka et al-Qaboune, à Damas.
Selon d'autres témoins et militants, des dizaines de milliers de manifestants ont défilé à Homs, 10.000 à Deraa, au moins 5.000 à Qamishli (nord-est), et des milliers à Douma.
Près de 200 personnes ont manifesté dans le centre de Damas, près de la Mosquée al-Hassan, avant d'être dispersées par les forces de l'ordre, l'un des plus importants rassemblements de rue dans la capitale depuis le début de la contestation, a rapporté un militant.
Ils ont crié "liberté, liberté", "le peuple syrien est un", a précisé à l'AFP Abdel Karim Rihaoui, dirigeant de la Ligue syrienne de défense des droits de l'Homme.
A Qamishli, des manifestants arabes, kurdes et chrétiens assyriens ont défilé en brandissant des drapeaux syriens et une banderole portant l'inscription "Arabes, Syriaques (chrétiens, ndlr) et Kurdes contre la corruption". D'autres ont scandé en langue kurde "liberté, fraternité".
A Deraa, les manifestants se sont rassemblés dans le centre à la sortie des mosquées après la grande prière, scandant des slogans en faveur de la liberté et appelant à la dissolution des services de renseignement et des poursuites judiciaires contre leurs membres, a déclaré à militant.
Certains portaient des pancartes appelant à l'"annulation de l'article 8" de la Constitution, qui consacre l'hégémonie du parti Baas. "Dieu, Syrie, liberté et c'est tout", ont-ils crié.
La levée de l'état d'urgence, qui limitait de façon drastique les libertés en Syrie depuis 1963, était l'une des principales revendications des opposants au début de la contestation, mais ils réclament désormais aussi des réformes, la libération des prisonniers politiques et la fin de la mainmise des services de sécurité sur la société.
"La levée de la loi d'urgence ne change rien car les services de sécurité ne sont soumis à aucune loi", a dit un cybermilitant au coeur de la contestation, Malath Aumran. Désormais, "la chute du régime est devenue la principale revendication".
Selon Amnesty International, au moins 228 personnes ont été tuées depuis le 15 mars en Syrie, et vendredi "sera un véritable test de la sincérité du gouvernement concernant l'application des réformes".