Syrie: violents combats près de Kobané, Ankara ouvre ses bases aux Etats-Unis
AFP
Mursitpinar (Turquie) - De violents combats opposaient lundi jihadistes et combattants kurdes à proximité de la frontière turco-syrienne près de Kobané, à l'heure où la Turquie donnait son feu vert à Washington pour l'utilisation de ses bases aériennes.
Le secteur du poste-frontière de Mursitpinar est celui emprunté tous les jours par les civils kurdes qui fuient les combats et par des combattants kurdes évacués pour y être soignés dans les hôpitaux de la ville turque de Suruç.
Des renforts militaires turcs, notamment des chars et des canons automoteurs, ont été déployés le long de la frontière, a constaté le journaliste de l'AFP.
Dans la ville même de Kobané, les combattants kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) tentaient de reprendre un peu du terrain perdu ces derniers jours face au groupe Etat islamique (EI), qui les avait délogés vendredi de leur QG.
"Les YPG ont mené une contre-offensive dans le secteur sud de Kobané et repris deux positions qui étaient sous contrôle de l'EI, tuant 13 jihadistes", a indiqué lundi l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Dans le même temps, les avions de la coalition dirigée par Washigton ont frappé lundi matin des positons de l'EI dans l'est et le sud de la ville, d'après l'ONG.
La défense acharnée des Kurdes a contraint l'EI à faire venir des renforts en provenance de Raqa et Alep, leurs bastions du nord syrien.
Plus nombreux et mieux armés, les jihadistes contrôlent environ 40% de la ville, particulièrement le secteur est et des quartiers dans le sud et l'ouest, une semaine après y être entré à la suite de plusieurs semaines de siège.
- Feu vert turc -
Ankara a donné dimanche son feu vert pour la mise à disposition des Etats-Unis de bases pour lancer les raids contre l'EI. Il s'agit en particulier de celle d'Incirlik (sud), que l'armée de l'air américaine utilise depuis longtemps et où 1.500 de ses hommes sont stationnés.
Jusqu'à présent, les avions américains employés pour les bombardements contre l'EI décollent des bases aériennes, plus éloignées, d'Al-Dhafra aux Emirats arabes unis, d'Ali al-Salem au Koweït et d'Al-Udeid au Qatar.
Le secrétaire américain à la Défense Chuck Hagel a remercié la Turquie pour sa contribution "aux efforts de la coalition" contre l'EI, "notamment en hébergeant et en entraînant des membres de l'opposition syrienne", selon son porte-parole, le contre-amiral James Kirby.
Le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu avait appelé à fournir un soutien militaire à "l'opposition modérée" en Syrie afin de créer "une troisième force" qui lutterait aussi bien contre le pouvoir du président syrien Bachar al-Assad que contre l'EI.
Le Parlement turc avait en outre autorisé le 2 octobre le gouvernement de M. Davutoglu à mener des actions militaires contre l'EI en Irak et en Syrie, mais jusqu'à présent l'armée turque n'a rien entrepris en ce sens.
Les Kurdes avaient dénoncé ces derniers jours la passivité turque face à la situation à Kobané, troisième ville kurde de Syrie, et des émeutes pro-Kurdes ont fait plus de 30 morts en Turquie.
Le secrétaire d'Etat américain John Kerry a qualifié dimanche de "tragédie" la situation à Kobané tout en soulignant que l'approche de la coalition par rapport à cette ville ne définissait "pas sa stratégie" globale contre l'EI.
- "Il y aura des hauts et des bas" -
"Il y aura des hauts et des bas (...) comme dans tous les conflits (...) Mais nous sommes certains de pouvoir élaborer une stratégie commune (au sein de la coalition), chaque pays de la région étant opposé à l'EI", a dit M. Kerry.
Kobané devrait être au centre mardi d'une réunion à Washington des chefs militaires de 21 pays de la coalition anti-jihadiste, près de trois mois après le déclenchement de la campagne aérienne en Irak et près de trois semaines après le début des raids sur la Syrie.
En Irak, l'EI a revendiqué trois attaques suicide dimanche qui ont tué à Qara Tapah (nord) 40 personnes, la plupart des anciens soldats des forces kurdes venus se réengager pour lutter contre les jihadistes qui semblaient progresser malgré les frappes de la coalition.
Dans l'ouest du pays, le chef de la police de la province d'Anbar a été tué par une attaque, confirmant les inquiétudes de Chuck Hagel, qui avait concédé que les forces gouvernementales étaient "en difficulté" dans cette province, en partie contrôlée par les jihadistes.
M. Kerry a admis que du temps serait nécessaire pour "reconstruire le moral et la capacité de l'armée irakienne". Mais "au final, ce sont les Irakiens à Anbar qui devront se battre pour Anbar" et ce sont les "Irakiens qui devront reprendre l'Irak" aux jihadistes.