Tensions après un projet de loi excluant les collaborateurs de Kadhafi

AFP

Tripoli - Un projet de loi sur l'exclusion politique des collaborateurs du régime déchu de Mouammar Kadhafi risque de soulever de nouveaux remous à l'Assemblée nationale, et pourrait mettre sur la touche plusieurs hauts responsables, accentuant les tensions politiques en Libye.

Tensions après un projet de loi excluant les collaborateurs de Kadhafi
Proposé en décembre, ce projet de loi, qui concerne 36 catégories de fonctions et couvre plus de quatre décennies de pouvoir de Kadhafi, est considéré par ses partisans comme "une revendication populaire en respect des sacrifices des martyrs".
 
Le projet de loi risque, dans sa version actuelle, de mettre sur la touche un grand nombre des nouveaux dirigeants libyens dont Mohamed al-Magaryef, président du Congrès général national (CGN), la plus haute autorité politique de Libye, son adjoint, Jumaa Attiga, et le Premier ministre, Ali Zeidan.
 
Un amendement apporté mercredi par l'Assemblée sur la Déclaration constitutionnelle provisoire, rendant impossible tout recours devant la justice contre cette loi avant même son vote, est décrit par nombre d'obervateurs comme un "pas décisif" vers l'adoption de ce projet controversé.
 
L'Observatoire libyen des droits de l'homme a qualifié la décision du CGN, rendant impossible tout recours devant la justice, de "précédent dans la confiscation des droits des citoyens".
 
"La protection des droits de l'homme impose la reconnaissance du droit de réclamer justice pour tous les individus devant les juridictions civiles, pénales et administratives", a indiqué l'ONG dans un communiqué publié vendredi par l'agence de presse libyenne Lana.
 
"Ce qu'on appelle l'immunisation (l'impossibilité d'engager un recours devant la justice, ndlr) de la loi de l'exclusion politique n'est rien d'autre que l'imposition d'intérêts politiques partisans", a ajouté le communiqué, considérant qu'il s'agit "d'un crime contre l'humanité".
 
En janvier, des débats houleux provoqués par ce projet avaient déjà favorisé un climat de tension dans le pays. Mais, en dépit de ces risques, le CGN s'est dit déterminé à faire aboutir ce projet de loi.
 
"La loi sera approuvée à la majorité de cent voix plus une, sur les 200 membres de l'assemblée, alors que son approbation requérait une majorité de 120 voix", a indiqué le porte-parole du CGN, Omar Hmeidan.
 
Selon lui, l'Assemblée a surmonté un autre obstacle dans la Déclaration constitutionnelle selon laquelle "les Libyens sont égaux devant la loi dans la jouissance des droits civils et politiques", en introduisant un nouvel article "autorisant l'exclusion temporaire de certains Libyens de l'action politique".
 
"L'immunisation de la loi de l'exclusion politique constitue une première étape pour réussir une loi fondée sur des critères objectifs, équitables et impartiaux", a déclaré Sami al-Saadi, un ex-détenu politique et un des chefs du Groupe islamique combattant en Libye (GICL).
 
"C'est une mesure de précaution temporaire pour assurer la construction d'une nouvelle Libye dépourvue de la corruption et du désordre, vestige de l'ancien système", a-t-il indiqué à l'AFP.
 
M. Saadi a dit "être conscient que la loi pourrait concerner des patriotes honnêtes" mais il est "inévitable de l'accepter afin de ne pas ouvrir la voie à des exceptions pouvant faire avorter la loi, au motif qu'elle est taillée sur mesure contre un courant ou parti politique au détriment d'un autre".
 
Les détracteurs de la loi estiment qu'elle a été faite "sur mesure" pour écarter Mahmoud Jibril, le chef de l'Alliance des forces nationales (de tendance libérale) qui a gagné les élections législatives de juillet 2012 devant les islamistes.
 
Le mufti de Libye, Cheikh Sadok Gharyani, a appelé les citoyens à manifester par milliers pour soutenir l'adoption de cette loi.
 
Le Conseil national de transition (CNT), ex-bras politique des rebelles libyens, avait institué une Haute commission de l'intégrité et du patriotisme, organisme public chargé des dossiers des responsables ou candidats à des postes de responsabilité dans l'administration pour déterminer s'ils ont servi l'ex-régime.
 
La Commission a jusqu'à présent exclu 350 personnalités dont certaines ont émis et gagné des recours devant les tribunaux administratifs.


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