Tunisie: négociations incertaines, nouvel incident armé
AFP
Tunis - Les pourparlers entre les islamistes tunisiens au pouvoir et l'opposition pour résoudre une profonde crise politique nourrie par des violences jihadistes étaient très incertains vendredi, alors qu'un nouvel incident armé a fait un blessé à Tunis.
Le conducteur de la voiture a alors "arraché l’arme de l’un des agents provoquant un tir atteignant le conducteur qui a été transporté pour des soins", explique dans un communiqué le ministère qui précise que l'homme a été mis en état d'arrestation ainsi que les quatre autres passagers du véhicule.
Des témoins et un policier sur place ont pour leur part décrit à l'AFP et à plusieurs médias tunisiens un échange de tirs. L'agent a qualifié les suspects de "terroristes".
Le ministère de l'Intérieur a par ailleurs appelé dans un autre communiqué "toutes les personnes utilisant un moyen de transports à respecter les injonctions des forces de la sécurité intérieure et ceci dans le cadre de la situation sécuritaire exceptionnelle qui autorise les agents de recourir aux moyens d'intervention conformes à la loi" semblant évoquer l'usage de balles réelles.
Ce nouvel incident intervient en plein deuil national de trois jours après la mort de six gendarmes et d'un policier dans des attaques jihadistes mercredi.
Grève générale
Leurs funérailles jeudi, qui ont réuni des foules importantes, ont été marquées par deux attaques de manifestants contre des bureaux d'Ennahda, le parti islamiste au pouvoir, dans le nord-ouest de la Tunisie ayant fait cinq blessés.
Sur le front politique, la tenue du "dialogue national" prévue pour débuter à 09H00 GMT pour sortir la Tunisie de la profonde crise politique déclenchée par l'assassinat du député d'opposition Mohamed Brahmi fin juillet était très incertaine.
Attaques contre des locaux d'Ennahda
Le principal médiateur, le syndicat UGTT a indiqué que les négociations étaient maintenues, mais ne pas savoir qui y participerait.
Mais à l'heure prévue, seul le représentant d'Ennahda, Ameur Larayedh et celui d'un petit parti, Al Moubadara, étaient présents.
Une réunion était en cours par ailleurs à la mi-journée entre les quatre médiateurs --l'UGTT, le patronat Utica, la Ligue tunisienne des droits de l'Homme et l'Ordre des avocats.
La foule se masse aux obsèques
Le parti islamiste a annoncé de son côté une conférence de presse à 14H00 GMT.
Les partis d'opposition réunis au sein du Front de salut national ont indiqué jeudi qu'ils ne viendraient pas aux négociations sans un "engagement clair" du Premier ministre Ali Larayedh à démissionner dans les trois semaines suivant le début des négociations.
l'UGTT, le patronat Utica, la Ligue tunisienne des droits de l'Homme et l'Ordre des avocats
Ce dernier a indiqué à la télévision nationale jeudi soir s'engager "à une démission" dans ces délais "à condition" que le dialogue national débouche aussi sur une Constitution, une loi électorale et un calendrier pour les prochains scrutins.
L'opposition n'avait pas réagi encore à ces propos vendredi matin. Leurs principaux représentants étaient par ailleurs injoignables.
Le lancement de ces négociations très attendues a déjà été reporté à deux reprises, les 5 et 23 octobre, Ennahda et les opposants ne s'accordant pas sur l'interprétation de la mise en œuvre du calendrier des négociations.
L'opposition juge que le gouvernement doit laisser la place quoiqu'il arrive à un cabinet d'indépendants d'ici trois semaines.
Les islamistes estiment que cette passation de pouvoir ne peut avoir lieu que si la Constitution et la loi électorale sont adoptées en parallèle. Or les opposants refusent de participer aux travaux de l'Assemblée nationale constituante tant qu'Ennahda n'aura pas promis de renoncer au gouvernement.
L'opposition accuse les islamistes d'avoir fait preuve de laxisme face au courant salafiste et de faillite sur le plan sécuritaire, alors que se multiplient les attaques attribuées à la mouvance jihadiste et à Al-Qaïda.
Le pouvoir assure être en "guerre contre le terrorisme", ce qui implique selon lui des pertes.
La Tunisie, déstabilisée par les crises politiques et l'essor des violences jihadistes, n'est pas parvenue depuis la révolution de janvier 2011 à se doter d'institutions pérennes et d'une constitution.
L'assassinat du député Brahmi a achevé de paralyser la vie politique et institutionnelle, l'opposition refusant de participer aux différents travaux de la Constituante tant que les islamistes sont au pouvoir.