Tunisie: un homme s'immole en pleine crise politique et sociale
AFP
Tunis - Un jeune vendeur à la sauvette a été grièvement blessé après d'être immolé par le feu mardi en plein centre de Tunis, un geste hautement symbolique dans un pays miné par une crise politique et la pauvreté et où la révolution de 2011 avait été déclenchée par une immolation.
Ali Larayedh
La séance doit débuter vers 14H00 GMT, mais le vote lui-même pourrait intervenir mardi ou mercredi en fonction de la durée des débats, qui sont notoirement longs.
Adel Khadri, un vendeur de cigarettes à la sauvette de 27 ans, s'est immolé mardi matin en criant "voilà la jeunesse qui vend des cigarettes, voilà le chômage", sur les marches du théâtre municipal, avenue Habib Bourguiba de Tunis et haut lieu de la révolution de janvier 2011.
Selon une collaboratrice de l'AFP, témoin des faits, des passants se sont précipités sur lui pour éteindre le feu. Il a été transporté à l'hôpital de Ben Arous, dans la banlieue de Tunis.
"Ses jours ne sont pas en danger, mais il a des brûlures du troisième degré à la tête et au dos. Il est sous surveillance médicale continue", a indiqué le porte-parole de la protection civile, Mongi Khadhi.
Le jeune homme, originaire de Jendouba (nord-ouest) "était démoralisé, son père est mort il y a quatre ans, il a trois frères et sa famille est très pauvre", a ajouté, M. Khadhi.
"Il était au chômage et est venu dans la capitale il y a quelques mois. Il était dans une situation fragile, psychologiquement très affecté ce qui l'a poussé à cet acte d'immolation", a indiqué de son côté Khaled Tarrouche, porte-parole du ministère de l'Intérieur.
L'avenue Habib Bourguiba est l'axe central de Tunis dont les trottoirs sont aménagés de terrasses et où de nombreux Tunisois gagnent leur vie en vendant des cigarettes à l'unité, jasmin ou bibelots, une activité interdite. De nombreux vendeurs se plaignent du harcèlement des policiers.
Plusieurs cas d'immolation par le feu ont eu lieu en Tunisie pendant et après la révolution de janvier 2011, déclenchée le 17 décembre 2010 lorsque le jeune vendeur ambulant Mohamed Bouazizi, s'était immolé à Sidi-Bouzid (centre) excédé par la misère et les brimades policières.
Les difficultés économiques et sociales étaient à l'origine de ce soulèvement qui a fait chuter le régime de Zine El Abidine Ben Ali. Or deux ans plus tard, le chômage et la pauvreté continuent de miner la Tunisie.
Les grèves et les manifestations se sont multipliées ces derniers mois, dégénérant régulièrement en violences. Fin novembre, quelque 300 personnes ont été blessées dans une semaine d'affrontements avec la police à Siliana (nord-ouest).
Le pays est par ailleurs plongé dans une profonde impasse politique qui a été aggravée par l'assassinat de l'opposant Chokri Belaïd le 6 février dont la mort a entraîné la chute du gouvernement dirigé par le parti islamiste Ennahda.
Ali Larayedh, cadre d'Ennahda qui prendra ses fonctions de Premier ministre après avoir obtenu la confiance de l'ANC, est confronté à une situation politique, sécuritaire et socio-économique précaire.
Plus de deux ans après la révolution, la Tunisie n'a toujours pas de Constitution et d'institution stables, et des vagues de violences déstabilisent régulièrement le pays.
L'économie s'en est trouvée affectée, paralysant notamment les investissements et minant la reprise du tourisme, secteur stratégique en Tunisie, même si le pays est sorti de la récession avec une croissance de 3,6% en 2012.
Le chômage reste cependant à des niveaux élevés (17% environ), notamment parmi les jeunes diplômés.