Un nouveau Michel Houellebecq férocement drôle pour la rentrée littéraire
AFP
Paris - Intrigant, surprenant, drôle: dans "La carte et le territoire", son dernier roman à paraître le 8 septembre chez Flammarion, Michel Houellebecq change radicalement de ton au profit d'une forme d'humour et d'autodérision prévalant sur la désespérance.

Jed, personnage terne et fidèle, anti-héros houellebecquien, tombe amoureux d'une brillante cadre de chez Michelin... Pour sa première grande exposition, il demande à l'écrivain Michel Houellebecq, "un auteur célèbre, mondialement célèbre même, d'après Franz tout du moins", d'écrire le texte de son catalogue.
L'histoire emmène le lecteur de Paris au Raincy (Seine-Saint-Denis), en passant par la Creuse et l'Irlande, pays où l'écrivain a réellement élu domicile, et tourne au thriller psychologique.
Houellebecq ne se départit pas de ses réflexions sur la mort, le sexe, la reproduction, "l'impossibilité de vivre" ou l'existence humaine à "laquelle (Jed Martin) n'avait jamais adhéré". Mais un peu à la façon d'un Pierre Desproges ou d'un Woody Allen, il tord le cou au sérieux de son désespoir et se moque de lui-même et des autres.
Il s'attaque cette fois au monde de l'art et des affaires où chaque rencontre est prétexte à cooptation par l'entremise de médias tellement prévisibles qu'il n'a pas besoin de forcer le trait pour décrire leur mode de fonctionnement.
Convoquant quelques figures médiatiques, littéraires, politiques et industrielles françaises dans des scènes surprenantes et parfois franchement hilarantes (Julien Lepers, Frédéric Beigbeder, qui va servir d'intermédiaire entre Jed et Houellebecq, Jean-Pierre Pernaut et "La France des saveurs", Patrick Le Lay, François Pinault ou François Mitterrand....) l'écrivain s'en donne à coeur joie.
Mais s'il règle, une fois de plus, ses comptes avec la presse française - "il ne se passe pas une semaine sans que je me fasse chier sur la gueule par telle ou telle publication" - il se déchaîne aussi dans le portrait qu'il dresse de lui-même: un auteur alcoolique et dépressif dont la vie en Irlande amplifie le côté solitaire et mystérieux.
Lorsqu'il n'est pas vêtu de son éternel pantalon en velours côtelé, il porte "un pyjama rayé gris qui le fait vaguement ressembler à un bagnard de feuilleton télévisé". Il "pue un peu mais moins qu'un cadavre" et vit dans une maison "facile à reconnaître", avec "la pelouse la plus mal tenue des alentours et peut-être de toute l'Irlande".
"Il avait pris du ventre depuis la dernière fois, mais son cou, ses bras étaient toujours aussi décharnés; il ressemblait à une vieille tortue malade", écrit-il, décrivant le deuxième rendez-vous de Jed avec l'écrivain.
En 428 pages, l'auteur de "La possibilité d'une île" (2005), surprend aussi par la forme, plus convenue que d'habitude mais s'appuyant sur une construction sans faille. Il offre à ses lecteurs un voyage dans le palimpseste de ses références culturelles avec un goût prononcé pour les marques.
("La Carte et le Territoire", 428 pages, éditions Flammarion, sortie le 8 septembre)