De la prison à l'emploi, une école de management cherche à faire la passerelle

AFP - Thomas URBAIN

Alain Kruger détenus libérés MBA ESG

Paris - Une association d'étudiants en management, soutenue par la direction de leur école, a offert en mai et juin à des détenus récemment libérés une formation de cinq semaines pour les aider dans leur recherche d'emploi, une démarche appelée à être renouvelée.

De la prison à l'emploi, une école de management cherche à faire la passerelle
"Pour la période de trou dans le CV, on va raconter une belle histoire. Et cette histoire, elle ne se passe pas à Fresnes...", lance Nicolas Perrard, professeur au sein des programmes de MBA ESG (diplôme de management), aux trois anciens détenus qui lui font face.

La première édition du programme de formation mis sur pied par l'association étudiante Deuxième chance, en partenariat avec la maison d'arrêt de Fresnes, se termine sur une dernière préparation aux entretiens d'embauche.

Accueillis immédiatement après leur libération, cinq détenus ont enchaîné leçons de théâtre au cours Florent (qui appartient au même groupe que les MBA ESG), mise à niveau en orthographe, rédaction d'un CV, cours d'informatique et préparation aux entretiens.

"Le but, c'est que demain, ils n'aient plus besoin de nous", explique Alain Kruger, directeur des MBA ESG, référent d'un des stagiaires durant le cycle.

Avant de leur confier d'anciens détenus, l'Administration pénitentiaire a sélectionné des profils qu'elle jugeait adaptés à une telle formation.

"C'est la limite de l'exercice. On ne peut pas partir de rien, avec quelqu'un qui ne sait pas lire ou écrire", reconnaît M. Kruger. N'ont été retenues, par ailleurs, que des personnes qui disposaient d'un hébergement, car la formation n'est pas rémunérée.

Les étudiants et les formateurs ont dû, eux aussi, montrer patte blanche, visiter Fresnes et recevoir une formation par les services pénitentiaires d'insertion et de probation (Spip), qui suivent les ex-détenus une fois sortis.

"Il fallait rassurer l'administration pénitentiaire", explique Amélie Canivet, étudiante à l'origine du projet, qui s'est assuré le parrainage de Robert Badinter. Son association compte désormais 100 membres environ.

Malgré ces précautions, quelques "recadrages" ont été nécessaires, précise l'étudiante, en saluant les efforts fournis par les anciens détenus.

Le respect des horaires, l'attention soutenue, le vouvoiement, le changement de codes vestimentaires... ces jeunes hommes (20 à 30 ans) ont eu beaucoup à assimiler en peu de temps.

"En costume, je passe bien"

"Le premier jour, quand ils arrivent en jogging, je leur dis: les gars, habillés comme ça, vous avez déjà flingué la moitié du boulot", se rappelle Kruger.

Un accord avec l'association Emmaüs leur permettait, s'ils le souhaitaient, de s'approvisionner dans une des boutiques du réseau. "Ca a été vraiment important pour eux de se dire: en costume, je passe bien, j'ai l'air sérieux", explique Amélie Canivet.

"Ils ont des qualités auxquelles on n'est pas habitué quand on a fait des études", observe Nicolas Perrard, en écho à l'un des trois stagiaires (les deux autres étaient excusés), qui veut devenir mécanicien moto et explique réparer des deux-roues depuis l'âge de onze ans.

Au terme du stage, ils ont tous la perspective immédiate d'un emploi, d'un stage ou d'une formation une fois sortis de l'école, parfois pour partie grâce au carnet d'adresses des MBA ESG.

"Ca a été difficile de convaincre les entreprises" partenaires de l'école, concède M. Kruger.

Un suivi post-formation sera assuré, deux fois par mois, jusqu'à la mi-septembre. Au-delà de l'emploi immédiat, tous ont déjà un projet professionnel, qu'ils vont devoir concrétiser dans les prochains mois.

Pour amorcer la pompe, c'est l'école qui a assumé la totalité du coût de cette première édition. Mais pour pérenniser l'opération, "il faudra des financements", prévient Amélie Canivet.

En octobre, est prévue une conférence qui accueillera des représentants du monde pénitentiaire, de la justice, des entreprises et des écoles supérieures, pour tenter de créer une émulation autour de cette initiative.

Pour  Kruger, "le but de cette conférence, c'est de présenter ce qu'on a fait et de dire aux autres écoles que ça ne nous appartient pas, qu'elles peuvent se l'approprier".


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